1. Les larmes d'Antigone


    Datte: 24/07/2019, Catégories: copains, nonéro, portrait, Collègues / Travail

    ... paramétrer vos machines. Je ne devrais pas le dire mais elle est bien plus compétente que certains de mes collaborateurs. Je suis sûr qu’elle vous réservera le meilleur accueil et qu’elle ne demandera qu’à vous aider. Elle travaille dans le laboratoire de génétique et s’appelle Anne-Sophie. Puis brutalement, il renversa sa tête en arrière, fixa le plafond et s’immobilisa, tel un oracle moderne consultant les dieux de l’hyperespace. — Mais oui … c’est cela… j’y suis… Elle m’a appelé hier pour me dire qu’un de ses collègues qui cherchait désespérément un fichier très important depuis une semaine allait passer me voir. Ainsi, c’est de vous dont il s’agissait ! Malheureux ! Si vous le lui aviez demandé, elle vous aurait dit qu’il n’y avait aucun moyen de récupérer des données modifiées. Mais elle n’aura pas voulu se mêler de vos affaires, elle est si effacée, si discrète, si timide ! Il se rassit devant ses écrans, caressant sans fin sa souris d’un geste obscène. — Maintenant, laissez-moi, s’il vous plaît, j’ai tellement de travail à faire. Tous ces beaux graphiques en couleurs, ces camemberts en trois dimensions, ces rapports format paysage à passer en format portrait pour les repasser en format paysage avant de les reprendre en format portrait pour les passer… Je ressortis de son bureau dans une rage folle, laissant ce détraqué s’exciter tout seul avec son mulot. Non seulement ces deux garces m’avaient bien eu mais, en plus, elles continuaient à me ridiculiser. Moi qui pensais ...
    ... avoir été discret ! Bon, au moins, je savais maintenant à quoi m’en tenir, il ne fallait surtout pas les prendre pour des imbéciles. Mais cela risquait d’être beaucoup plus difficile si elles jouaient chaque partie avec un coup d’avance. Le puzzle commençait à se mettre en place. D’abord, elles m’avaient provoqué pendant des semaines puis Élodie avait fini par allumer la mèche un vendredi soir, histoire de me prendre de vitesse et d’être sûre que je n’aurais pas le temps de découvrir qu’Anne-Sophie bluffait. Après, elles n’avaient plus qu’à attendre mon appel. Mais il manquait quand même la pièce maîtresse : comment avaient-elles bien pu deviner que j’avais trafiqué mes résultats ? Personne ne s’en était aperçu, ni le patron, ni le comité de lecture de la revue qui les avait publiés, ni tous les lecteurs de cet article qui m’avaient écrit pour me féliciter. Il n’y en avait qu’une qui avait compris, une sur des milliers, et il avait fallu que ce soit Anne-Sophie ! Il y avait là quelque chose qui me dépassait complètement et ne pas comprendre m’angoisse terriblement. Certes, j’étais définitivement débarrassé de la menace d’une dénonciation mais je me sentais de plus en plus humilié. Je les imaginais riant encore du bon tour qu’elles m’avaient joué, se gobergeant de ma naïveté, moi qui avais bu sans broncher le calice jusqu’à la lie. Plus décidé que jamais à piéger à mon tour ces deux horreurs, je me précipitai sur tout ce qui les concernait. À commencer par le plus accessible : ...
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