Les larmes d'Antigone
Datte: 24/07/2019,
Catégories:
copains,
nonéro,
portrait,
Collègues / Travail
... même si tu n’en a pas toujours conscience. Le jour où tu maîtriseras ton affectivité et ton angoisse, rien ne pourra plus t’arrêter. Maintenant, en ce qui concerne tes dons, je crois que tu as au moins celui de rendre les gens heureux autour de toi. Et ça, c’est une richesse inestimable. Mickael, pour tout de dire, tu es devenu le copain qu’on a toujours rêvé d’avoir. Alors sois rassuré, car même si c’est toi qui voulais aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte, pour rien au monde on te laisserait partir. Depuis longtemps, la plage avait disparu dans le noir et nous ne devinions plus que nos ombres assises sur le sable. À la voix d’Anne-Sophie, je sus son émotion. Elle ne vit jamais qu’à l’entendre parler ainsi, mes yeux s’étaient remplis de larmes. Il se faisait tard et il fallut prendre le chemin du retour, même si j’eus tout donné pour prolonger cette journée jusqu’au bout de la nuit. Les deux filles montèrent à l’arrière. — On va se reposer un peu, on est fatiguées. C’est crevant de parler, me lança Élodie en riant, ce qui ne l’empêcha pas de jacasser encore plus d’une heure sur la représentation des étoiles dans les mythologies primitives. Puis, petit à petit, le silence se fit. Elle finit par se blottir contre Anne-Sophie qui dormait déjà et ferma les yeux. Seul, au volant, filant dans la nuit noire, je pensais à cette incroyable journée, à cette improbable rencontre, à ces deux filles extraordinaires. Elles venaient d’écrire ...
... la première page de ma nouvelle vie, le reste m’appartenait. Comme l’avait dit Anne-Sophie, une seconde naissance. Anne-Sophie, magnifique petite Antigone, obstinée, révoltée contre toutes les convenances, ce rôle lui allait si bien. À quoi rêvait-elle donc en ce moment, à des gerbes de particules multicolores en collision, à des farandoles sans fin de gènes encore inconnus, à d’incompréhensibles formules mathématiques ? Et toi Élodie, où pouvais-tu bien être à cette heure-ci ? Sur une scène de théâtre, avec ton violon, devant tes carnets de dessin ? Je les observais dormir dans le rétroviseur, attendri, quand Élodie, se dégageant avec une infinie douceur des bras d’Anne-So, vint poser sa tête sur mon épaule et murmurer à mon oreille : — Eh, monsieur gros zizi, tu ferais mieux de regarder la route au lieu de mater les filles, c’est dangereux ce que tu fais !— Mais… je croyais que tu dormais.— Que d’un œil. À quoi pensais-tu ? me demanda-t-elle.— À cette journée.— Menteur !— Bon, je pensais à toi.— C’est mieux.— Tu sais, c’est insupportable cette manie que vous avez de deviner tout ce qui se passe dans ma tête.— Tu t’y feras. On te l’a dit, tu ne peux rien nous cacher.— Et vous aviez vraiment tout deviné le premier jour ?— Presque, il n’y a qu’une chose que j’ignorais.— Ah, quand même, et c’est quoi ?— Que tu faisais aussi bien l’amour, chuchota-t-elle avant de m’embrasser et de retourner s’endormir dans les bras d’Anne-Sophie. (à suivre)