1. Les larmes d'Antigone


    Datte: 24/07/2019, Catégories: copains, nonéro, portrait, Collègues / Travail

    ... petite voix coquine. J’avais déjà la main sur la porte. — Monsieur, monsieur… Je me retournai une dernière fois avant de sortir définitivement. — Je voulais juste vous dire… vous avez vraiment de la chance parce que Mademoiselle Anne-Sophie, c’est une sacré jolie femme hein… petit veinard ! Je crois que je n’avais jamais pris autant de plaisir à claquer une porte violemment, espérant même que l’atelier s’écroule derrière moi. Quatre heures du matin. Je ne peux pas dormir, les deux filles m’ont mis la misère. Je retourne sans fin mes pensées pendant que le réveil égrène les heures. Anne-Sophie, Élodie. Élodie, Anne-Sophie. Le talent et le génie. Que fais-je donc là, égaré parmi elles, ridiculisé de toutes parts, ne comprenant rien à rien, tombant dans tous les pièges qui me sont tendus ? Je suis définitivement nul, irrécupérable, même dans les études, rien ne sert de se voiler la face. Je repense à cet oral meurtrier de biologie qui m’a tant marqué. Je revois la petite salle où les étudiants défilent devant deux examinateurs sadiques. Je rentre à mon tour. Ils sont assis derrière leur table et me scrutent du regard, s’assurant que je suis bien le bon condamné. À droite, le Professeur DE machin DE truc DE corvée DE chiotte DEmain matin, raide comme la justice avec son manche à balai dans le derrière, son énigmatique sourire aux lèvres et ses cheveux blancs qui le font ressembler à un poireau. À côté, son acolyte, avec ses petits yeux cruels enfoncés dans leur orbite et sa ...
    ... mâchoire en avant, la peau flasque et la lèvre tombante, un air de batracien guettant une proie. À tout moment on s’attendrait à le voir sortir sa langue pour gober une mouche. Et moi au milieu qui n’en peux plus de leurs questions perverses, qui essaie juste de survivre pour que l’examen aille à sa fin. — Candidat suivant. C’est terminé Monsieur. Nous vous remercions du temps que vous avez bien voulu nous accorder, il justifiera à lui seul les quelques points qui vous seront accordés. Saloperie de poireau. Je sors. Anne-Sophie rentre. Le batracien ouvre un œil. Il n’a jamais pu supporter les filles. Alors, avec en plus des cheveux en pétard, des mèches de couleur et des piercings, cela va être de la boucherie. Le poireau se raidit un peu plus. — Mais qu’est ce donc que cela ? L’épreuve commence. Ils chassent comme des hyènes, la harcelant de questions, attendant de trouver le point faible avant de se jeter sur elle pour la curée. Anne-Sophie, boudeuse, esquive toutes les attaques. — Ça suffit maintenant, s’emporte le batracien, voyons ce qu’elle a dans le ventre. Et dans un grand éclat de rire, il projette sur le tableau vert un énorme chromosome tout tarabiscoté, gluant, dégoulinant, avant de rajouter d’une voie doucereuse : — Alors la punkette, on est perdue ? Anne-Sophie crie plus fort que lui : — Écoute-moi bien connard, j’ai la preuve que c‘est un chameau mutant de Ouarzazate. Tu as perdu, donne moi ton slip. Le crapaud est sonné. Il veut fuir mais elle lui lance à la figure ...
«12...678...18»