Le voleur d'âmes
Datte: 09/10/2019,
Catégories:
nonéro,
... n’a pas à s’inquiéter de savoir qui lira tout ça, et qui pensera quoi sur qui ! – Vous avez lu lesVitres ardentes ? s’enquit Tomaze d’un ton intéressé. Vous avez parlé d’un moine, donc vous avez lu mon dernier roman… Liana était tellement en colère qu’elle ne songea même pas à répliquer. D’un geste violent et maladroit, elle sortit un billet de son portefeuille et lança ce dernier au fond de son sac, de la même manière qu’elle l’aurait jeté à la figure de l’homme assis en face d’elle. – Je savais que vous ne comprendriez pas, dit M. Tomaze en acceptant le billet de vingt euros qu’elle lui tendait d’un regard ombrageux. Vous voyez, vous n’êtes pas apte… – Vous et vos aptitudes ne m’intéressez plus ! coupa-t-elle sèchement. Au revoir monsieur ! Elle s’apprêta à tourner les talons, mais soudain, il lui prit le bras. Elle se retourna brutalement vers lui, le visage en feu. – Attendez, Liana, dit-il doucement. – Que voulez-vous ? Je viens de mettre fin à notre collaboration ! Et je veux récupérer ma pochette ! Le regard brun de M. Tomaze brillait d’un éclat fiévreux. Une émotion indéchiffrable troublait le masque de son visage crispé. – Ne prenez jamais aucune décision importante quand vous êtes sous l’emprise de la colère, déclara-t-il d’une voix patiente, comme s’il parlait à une enfant. Je sais que vous enragez contre moi et mes bons sentiments, selon votre expression, et que nous avons une multitude de divergences d’opinions. Mais malgré tout ce qui nous sépare, il y a quelque ...
... chose qui nous empêche d’être de parfaits inconnus l’un envers l’autre… quelque chose qui nous rapproche. – Voyez-vous cela ! grinça Liana, en tentant vainement de dégager son bras de son étreinte de fer. Et qu’est-ce que ça pourrait bien être ? M. Tomaze continua à la fixer droit dans les yeux. Il paraissait à la fois étonné et troublé par cette idée, comme saisi d’une illumination soudaine. – La solitude, répondit-il avec douceur. Un court laps de temps, Liana sentit son cœur battre plus vite, ses jambes se dérober sous elle, son esprit battre la campagne avec une frénésie inquiétante. Puis un nuage de larmes vint brouiller sa vision et elle recula de quelques pas. Il la laissa aller sans la quitter du regard. –Ça, c’estvous qui le dites, bredouilla-t-elle d’une voix tremblante. S’il vous plaît, ne cherchez plus à me revoir. Et elle s’enfuit du restaurant sans un regard en arrière ; ses jambes étaient si faibles qu’elles la portaient à peine. Le vin, la colère, l’angoisse et la surprise, tout se mélangeait, elle avait l’impression de ne plus s’appartenir. Lorsqu’elle fut hors de la vue de M. Tomaze, elle s’appuya à un mur, aveuglée par la lumière, suffocant dans l’air trop lourd de ce début d’après-midi. Et c’est quand elle essaya de reprendre son souffle qu’elle s’aperçut qu’elle avait retenu sa respiration depuis le moment où elle avait quitté la crêperie. Elle se demanda ce que pensait M. Tomaze, s’il allait la suivre, s’il allait payer l’addition sans se soucier d’elle ...