1. Le voleur d'âmes


    Datte: 09/10/2019, Catégories: nonéro,

    ... ; elle se demandait si elle le reverrait un jour, et surtout, pourquoi cette incertitude la bouleversait autant. Une ombre immense se projeta soudain sur elle, l’isolant dans une pénombre réconfortante. Brièvement, un désir étrange et indicible passa en elle comme un éclair… Se retrouver dans un tête-à-tête enivrant avec son âme propre… Être à nouveau soi-même… Ne plus craindre la lumière… Liana leva la tête en clignant des yeux et croisa le regard indulgent de M. Tomaze. – Il faut qu’on parle, dit-il d’une voix compréhensive. Venez. Et elle refoula son envie de pleurer. – Pourquoi m’avez-vous emmenée ici ? – J’aime cet endroit. Liana ne l’aimait pas du tout. Il lui évoquait trop de souvenirs, trop de moments heureux – mais surtout révolus – pour qu’elle puisse sentir de l’apaisement glisser en elle. Et Dieu savait pourtant que c’était la chose qu’elle désirait le plus au monde à ce stade de sa vie. L’apaisement. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle. On appelait ce lieu la cour du carillon, parce qu’elle s’accolait à une des plus belles cathédrales de la ville, dont les cloches chantaient toutes les heures. Quiconque se trouvait là lorsque leur tintement s’élevait dans l’air, se trouvait prisonnier d’une étrange impression ; de toute part, l’écho du carillon se réverbérait à n’en plus finir contre les murs et la résonance de ces sons était si forte, si lancinante qu’un singulier bourdonnement emplissait les oreilles et la tête. C’était une sorte de musique belle et ...
    ... chaotique, dont la mélodie restait longtemps dans l’esprit, même après que le silence, si banal et si rassurant à la fois, fut revenu dans la cour. Écouter les cloches, toutes ensemble dans un même rythme, provoquait souvent chez l’auditeur des émotions bizarres, comme si la remontée de vieilles et de profondes pensées était liée à ce phénomène cyclique. Après cela, on avait la sensation d’être ébloui et mélancolique, comme assailli par un secret insupportablement lourd à porter… Le centre de la cour était parcouru d’allées de graviers, bordées de buissons épineux, de chênes majestueux et de fleurs mauves au parfum capiteux et enivrant. Cette cour était immense et faisait plutôt penser à un parc, mais le nom était resté. Plusieurs anciens bâtiments en faisaient le tour : le musée le plus vieux de la ville, l’école de musique, des locaux réservés à quelques associations et enfin l’école de théâtre ; d’où l’écho incessant du son des cloches qui se renvoyait d’un mur à l’autre de ces grandes bâtisses. Liana connaissait bien cet endroit pour y avoir traîné la majeure partie de son enfance, quand elle était élève à l’école de musique. Elle se souvenait de ses rires, des cris d’excitation et de joie des autres enfants ; de ses larmes lorsqu’elle ratait un examen, de la voix douce de ses camarades de classe ; elle se souvenait de son premier baiser, du garçon qui le lui avait donné, elle se souvenait avoir joué à la marelle sous les fenêtres du musée, d’avoir longtemps couru dans les allées ...
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