1. Le voleur d'âmes


    Datte: 09/10/2019, Catégories: nonéro,

    ... légers, par-dessus la cime grise et ardoisée des constructions de la ville, dans le ciel d’un bleu aussi profond que la pleine mer. Une douce ambiance de convivialité et de gaieté régnait parmi les tables, et les gens parlaient et riaient, couvrant de leurs voix le bruit des couverts tintinnabulant contres les assiettes en terre cuite. Malgré elle, Liana se sentait peu à peu gagnée par cette euphorie générale et commençait même à avoir faim. Les petits biscuits salés, le vin, le cidre empli dans un gobelet, servis en apéritif, lui avaient considérablement ouvert l’appétit. Ce dernier étant une chose plutôt fluctuante chez Liana, elle se dépêcha d’en profiter et appela un serveur qui passait non loin d’elle, zigzaguant entre les chaises pour parvenir à leur table. Ignorant le regard attentif de M. Tomaze qui attendait certainement une réponse à sa question, Liana choisit une salade de tomates, une galette au jambon et fromage et de la salade parfumée au basilic. Pendant que M. Tomaze commandait à son tour, d’une voix calme et assurée, elle le détailla sans se gêner. Sa stature immense était comme un promontoire menaçant au-dessus des autres, couronnée de cheveux noirs et, semblait-il, un peu gras. Son menton était toujours bleui par une fine barbe d’un ou deux jours, et de profonds cernes s’étiraient en croissants mauves sous ses paupières. Et pourtant, ses yeux vifs brillaient d’intelligence et de perspicacité. Tandis que le serveur s’éloignait avec la commande, l’écrivain ...
    ... surprit le regard de Liana et lui fit un clin d’œil aussi rapide que déplacé. Un peu embarrassée, Liana ferma le menu ouvert entre ses mains et le posa sur la table, ses yeux errant sur la rue. La crêperie se situait à la lisière d’une rue piétonne, et d’innombrables passants filaient comme des voitures devant eux, pressés par l’horaire, par leur faim. Un délicieux parfum de viande grillée et de fromage fondu circulait entre les tables, provenant sans doute de la sandwicherie grecque qui bordait le flanc gauche de la crêperie. Liana se sentit en paix avec elle-même et porta son verre de vin à sa bouche, ignorant le regard aigu de Tomaze. – Vous avez faim ? demanda-t-il négligemment. – Oui. Le ton abrupt de la jeune femme ne sembla pas le décourager. – Alors, reprit-il avec un sourire engageant, vous n’avez pas répondu à ma question. Avez-vous quitté la ville pour vivre ailleurs ? – Oui, répondit Liana en savourant son vin. Puis, voyant l’expression décontenancée de son compagnon, elle reposa le verre avec un soupir, et consentit à nourrir –partiellement – sa curiosité. – Pendant cinq ans, expliqua Liana. J’ai fait mes études dans une autre ville. – Où ? Elle ne répondit pas, jouant distraitement à suivre le contour du verre avec son doigt. – Qu’avez-vous fait comme études ? insista M. Tomaze. Elle haussa les épaules. – Je ne souhaite pas vous en parler, rétorqua-t-elle brusquement. À quoi vous sert cet interrogatoire ? M. Tomaze s’enfonça un peu plus dans son siège et regarda ...
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