1. Le voleur d'âmes


    Datte: 09/10/2019, Catégories: nonéro,

    ... attentivement la jeune femme, comme surpris, une fois encore, par son attitude défensive. – Ne soyez pas si agressive, mademoiselle Bellanger, murmura-t-il pensivement. C’est pour mieux vous connaître, voilà tout. J’ai besoin de savoir certaines choses avant de m’attaquer à vos illustrations. Et j’aimerais que vous cessiez d’être une parfaite inconnue pour moi. Il est très difficile de rédiger un roman sans une base minimale de confidences avec l’auteur. – L’auteur ? cingla Liana, sans pouvoir s’en empêcher. L’auteur de quoi ? – Mais voyons, l’auteur des dessins. C’est bien vous, n’est-ce pas ? L’homme semblait interloqué et il y avait de quoi. Une seconde, Liana s’était imaginé ce qu’elle redoutait le plus – c’est-à-dire qu’il découvre que c’était sa propre vie qu’elle avait mise en illustration. – Excusez-moi, je me suis emportée, murmura-t-elle en se mordant la lèvre inférieure. J’ai quelques petits problèmes… nerveux. Je sors facilement de mes gonds. – Ah tiens ? ironisa M. Tomaze. Je ne m’en étais pas aperçu. – Je suis un traitement, ajouta Liana en détournant les yeux. Vraiment, excusez-moi. Je ne suis pas méchante, vous savez. – Non, je ne sais pas, objecta-t-il en la regardant bien en face. Mais si vous le dites, je veux bien le croire. Pourquoi refusez-vous avec tant d’obstination de me parler de vous ? La dissimulation d’informations aussi banales ne vous rend que plus intéressante. Comprenez donc mon intérêt. – Ma vie ne fait pas partie des renseignements ...
    ... publics, éluda-t-elle. Je déteste parler de moi. Ce que vous prenez pour de banales informations, ce sont en réalité des éléments de ma vie, qui impliquent des émotions. Ce que vous trouvez banal est peut-être horriblement douloureux pour moi, qu’en savez-vous ? Et je vous trouve agaçant, vous et vos questions. – Je crois que c’est la première fois que vous dites autant de mots dans vos phrases, aujourd’hui, répliqua M. Tomaze, sans sourire. Fort heureusement, le serveur brisa la tension qui régnait entre eux en leur apportant leurs entrées. Liana s’attaqua à son repas comme s’il s’était agi d’un paquet de viande vivante à massacrer ; M. Tomaze la regarda manger pendant quelques secondes, troublé par autant de hargne. « Pourquoi tant de haine ? » pensa-t-il absurdement. L’expression devait certainement sortir d’un film ou d’un livre quelconque, et cette pensée le fit soudain sourire. Il commença lui aussi son repas, ignorant délibérément la jeune femme jusqu’à ce que son assiette soit vide. En relevant les yeux, il constata qu’elle avait elle aussi terminé ses tomates et qu’elle semblait perdue dans la contemplation de la rue ensoleillée où se bousculait une foule bourdonnante de touristes. – Il faut que je vous avoue quelque chose, Liana, dit M. Tomaze pour rompre le silence pesant qui s’était installé entre eux. Je voulais vous dire que j’étais désolé. Il s’essuya la bouche avec sa serviette et elle tourna vers lui un regard vaguement interrogateur. – Et de quoi ? finit-elle par ...
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