1. Trois petits textes...


    Datte: 18/01/2020, Catégories: volupté, revede, Voyeur / Exhib / Nudisme nonéro,

    ... parme, scrupuleusement pliée, gît un croûton de pain, abandonné au milieu d’un frénétique émiettement. D’un œil rapide, j’embrasse le tableau, une main dans la poche de mon pantalon, l’autre négligemment posée sur le rebord du plateau de marbre. L’esprit libre, je regarde sans voir, je vois sans regarder. Ourlant le haut du verre s’inscrit en négatif la trace d’une pulpeuse et grasse demi-lèvre. La cliente précédente a posé là son empreinte, signature intime de sa personne. Mes doigts quittent le marbre pour aller se saisir du verre. Telle la main d’un expert œnologue, elle le soulève avec délicatesse et solennité pour mieux en admirer le stigmate ainsi déposé. Bien que pâle, l’empreinte détaille la finesse des rugosités extérieures du muscle. D’un œil d’expert de la police scientifique – dont je ne suis pourtant pas – j’apprécie chacun des détails. Ils forment une carte géographique, amalgame de fractales finement découpées et striées. Des sortes de minuscules fjords intimes. Ils serpentent, se séparent, se ramifient et s’affinent, se croisent et se recroisent dans un lacis de veinules étrangement transparentes, aux contours fins ou imprécis. Au centre, les marques sont plus franches, plus épaisses, plus grasses car plus appuyées. En bas, vers l’ourlet de la lèvre, elles sont ténues, estompées et floues. En haut, à peine appuyées, elles se perdent et finissent par se confondre avec la matière translucide. J’essaie d’imaginer la propriétaire de cette demi-lèvre. Je la vois ...
    ... en jeune femme pressée, énergique et décidée, mais élégante. Svelte, elle surveille sa ligne… Des indices pour l’imaginer ? J’en ai à foison devant les yeux. Elle a raclé son assiette, signe d’une faim de loup non rassasiée. Mais elle a nerveusement mis son croûton de pain en charpie, symptôme d’une nervosité vengeresse envers ces calories tentantes. Un verre qui ne porte qu’une marque de rouge à lèvres laisse présager d’une soif utilitaire et rapide. Pourtant l’ordonnancement des couverts et de la petite cuillère - en équilibre au milieu de la tasse à café - me fait penser au savoir-vivre et à un esprit ordonné. Je l’imagine assise à ma place, rousse au teint blanc, aux mains fines et soignées. Le poignet lourdement chargé de bracelets en or. Expertement vêtue d’un tailleur rouge écossais (comme celui que je viens d’apercevoir dans mon champ de vision et qui traverse la rue, devant moi…), et qui s’harmonise avec la couleur du rouge à lèvres. Le buste droit, la poitrine fière, en avant. Elle mange rapidement, nerveusement. Elle se nourrit sans se délecter. Cela fait longtemps qu’elle ne se délecte plus avec la nourriture, le régime lui tient lieu de gourmandise. Elle boit vite et d’un trait. Elle attend avec impatience son café qu’elle avale sans sucre. En attendant l’addition, elle joue nerveusement avec le pain qu’elle émiette entre ses doigts. Elle cesse de jouer avec la mie pour ranger ses couverts et montrer au garçon qu’elle en a définitivement terminé avec ses agapes et ...