1. Ce que je suis (2)


    Datte: 21/05/2020, Catégories: Lesbienne

    « Bisous, à demain. » Le portable retomba sur le lit, inutile comme un vieux lien brisé. Chloé à Lens chez sa grand-mère depuis une semaine, moi dans l’appartement familial au 3ème étage d’un immeuble près de la place Bellecour à Lyon, deux à trois appels quotidiens suffisaient à peine à combler le vide, surtout le jour de mon dix-neuvième anniversaire. Les parents faisaient pour le mieux mais leur travail de nuit – maman infirmière et papa flic – me condamnait à de longues périodes de solitude. Ma complice connaissait le problème inverse, contrainte à s’occuper du matin au soir d’une mamie profiteuse à la limite de l’exagération. Aux dires de Chloé, la petite vieille guettait nos appels pour demander quelque chose, n’importe quoi qui attire l’attention sur sa personne. En pleine forme à 66 ans, elle supportait mal de ne pas être toujours la priorité de ses enfants et petits-enfants. Quitte à choisir entre deux épreuves, je préférais ma position privilégiée. Encore une semaine à tenir puis les deux inséparables seraient de nouveau réunies pour une nouvelle aventure, chez les naturistes cette fois. Amusante au départ, l’idée de la nudité de Chloé me ramena à la soirée où… Stop ! Je n’avais pas le droit de penser à elle dans ces conditions. Un coup de fil inattendu désamorça la tristesse ambiante. Aurélie, que j’avais revue par hasard depuis mon retour, m’invitait à prendre un verre. « Pour ton anniversaire » spécifia-t-elle. La copine connue au lycée avait raison, il y avait ...
    ... mieux à faire que de se morfondre dans le canapé devant un programme télé insipide ou un bouquin cent fois relu. Les prémices de la vie nocturne s’invitaient par la fenêtre ouverte, un orage d’été menaçait, pas de quoi effrayer une aventurière de ma trempe. Une éternité dans la salle de bain réhabilita un peu l’idée que j’avais de mon image ces derniers jours. La queue de cheval jouant avec le col d’une ample chemise blanche, l’incontournable minishort en jean clair, une paire de tennis paracheva l’accoutrement minimaliste. De nombreuses poches permettaient de ranger la carte d’identité, un peu d’argent et le portable. Les bijoux, le maquillage, rien de tout cela n’avait d’importance à mes yeux. Maman avait renoncé depuis les prémices de l’adolescence à me voir porter une robe en dehors d’occasions exceptionnelles. Je ne me considérais pas pour autant comme un garçon manqué, au contraire, revendiquer une féminitude naturelle revêtait beaucoup d’importance à mes yeux. En fait, la destinée d’une nana au caractère bien trempé en ce début de XXIème siècle m’aurait semblée plus qu’attrayante sans ces foutues règles une fois par mois. Par chance, les pertes modérées ne s’accompagnaient d’aucune douleur ni gêne exagérée. Sans rivaliser avec Paris « la Ville-Lumière », « la Ville des Lumières » comme on nommait Lyon faisait valoir quelques atouts. Aurélie m’attendait devant le cinéma Pathé Bellecour de la rue de la République où quelques automobilistes transformaient la voie piétonne ...
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