Ce que je suis (2) - Histoires de Sexe

Ce que je suis (2)

... grec ancien. Les boucles brunes, qui lui donnaient l’apparence d’un jeune patricien de la Rome antique, attiraient les regards des nanas. Je préférais la profondeur de son intellect, sa verve jubilatoire, la franchise de ses réflexions. J’avais succombé un temps au charme insolent, deux semaines exactement. Un après-midi dans ma chambre, enlacés sur le lit, pensant l’instant venu, on fut l’un et l’autre pris d’un énorme fou rire. Il ne se passa rien de physique. Ce qu’on avait pris pour de l’amour se révélait être une belle amitié. – Ça m’a traversé l’esprit mais je refuse de me plier à la lecture officielle des textes comme une gentille petite étudiante. Une amie m’a fait découvrir Aurane Verdier, j’en suis dingue. Que Chloé s’invite mentalement à la table des discussions ne me surprit qu’à moitié. Que faisait mon amie à cette heure-ci ? Avais-je une place réservée dans ses pensées ? Je repris après une gorgée de vin rosé. – La version féminine d’une époque caricaturée uniquement par des hommes modifie la perception historique de certains évènements, beaucoup de problèmes d’aujourd’hui trouvent leur origine dans le passé culturel des peuples. – Je connais, s’exclama Aurélie en tirant l’ouvrage concerné de son sac. Le débat sur la réalité du mythe des Amazones dévia sur les fondations patriarcales de la société avant de s’éterniser sur la lutte pour l’égalité des droits. Refaire le monde n’était pas de notre ressort, on se contentait de pointer les problèmes. Plus tard ...

... peut-être, si l’un ou l’une d’entre nous réussissait dans l’écriture, sa mission serait d’ouvrir l’esprit des lecteurs. L’instruction était une arme redoutable, un pouvoir à partager par le plus grand nombre pour ne pas l’affaiblir. La tournée du patron fit passer la qualité moyenne des pizzas réchauffées à la va-vite. Il se régalait entre deux clients d’écouter « labande d’étudiants qui le réconciliait un peu avec la jeunesse dévoyée » tandis qu’on s’évertuait à philosopher sur les multiples maux d’une société pensée pour une élite. – Par moments, expliqua Damien sentencieux, j’ai l’impression de me débattre dans une réalité virtuelle crée par l’appât du pouvoir et de l’argent, comme celle décrite dans la série Matrix. – Pas faux, lui répondit Annabelle, même si c’est un peu sombre pour moi. J’aime beaucoup la réplique « L’homme est le virus de cette planète », la comparaison est forte mais ça se tient. – On passe chez moi ? proposa Jordan animé d’une furieuse envie de dédramatiser l’ambiance. Les parents ne sont pas là. L’idée recueillit l’unanimité des suffrages, comme à la grande époque. L’agencement de la maison de plain pied située à quelques rues permettait quelques écarts sonores sans priver les voisins de sommeil. L’épaisseur des murs de l’ancien atelier de poterie converti en habitation engendrait la notion d’invulnérabilité. Un coin w-c dans l’entrée, l’unique pièce du rez-de-chaussée faisait de la grande salle à manger le prolongement d’une cuisine équipée. L’escalier ...