1. Ce que je suis (2)


    Datte: 21/05/2020, Catégories: Lesbienne

    ... en parking à ciel ouvert après 19 heures. Des drapeaux français fleurissaient un peu partout, les boutiques se mettaient déjà aux couleurs de l’Euro de foot qui allait animer le pays dès le vendredi 10 juin, le jour de revoir Chloé. Saurait-on différencier les Anglais des Allemands ou des Belges dans un club naturiste ? La question méritait réflexion. Aurélie pendue à mon bras m’entraîna dans une ruelle transversale. – Pourquoi tu souris comme ça ? La connaissant, elle redoutait une indiscrétion quant à la teneur de la soirée. Je pris soin de la rassurer sans entrer dans les détails. – J’imagine le bordel avec le foot en fin de semaine. Il y aura des matchs à Lyon ? – Quelques uns, ça fera de l’animation. Des acclamations attirèrent mon attention sur la terrasse d’un bistrot à une quinzaine de pas. En matière d’effervescence, une poignée de littéraires comme on se nommait au lycée faisaient grand bruit sous l’œil amusé du patron. Connaissant mon intransigeance, je n’aurais pas choisi d’autres compagnons de soirée. Ainsi, Aurélie avait reconstitué au complet le groupe fan d’histoire qui écumait les cafés littéraires de Lyon un an plus tôt, à aiguiser nos crocs de jeunes critiques impulsifs sur des œuvres controversées. J’en avais déduit à l’époque que l’évolution du monde imitait à la perfection un mouvement d’horlogerie, un perpétuel recommencement dans lequel l’humanité se complaisait. Aller de l’avant signifiait pour la grande majorité des gens reproduire les erreurs du ...
    ... passé. Le mercredi soir nous voyait dans une grande brasserie près de la place des Terreaux, à la clientèle plutôt conformiste. Les participants proposaient tour-à-tour le sujet de la réunion suivante, souvent des écrivains régionaux. Notre ami Léa, avec un flegme digne de l’innocence enfantine portée par un grand regard bleu limpide, imposa le thème de la sexualité dans la littérature moderne. On nous pria instamment d’aller exercer ailleurs nos talents de trouble-fête. Qu’à cela ne tienne ! Le souhait de Léa fut exaucé dans un autre lieu plus accueillant au demeurant moins cher, de quoi soulager nos maigres ressources de lycéens. Aucun du groupe ne songeait à se plaindre, nos parents respectifs faisaient partie de « la classe moyenne supérieure », mais la multiplicité des tentations nous garantissait des fins de semaine difficiles. Un bouquin acheté, rien de plus logique pour des littéraires, passait souvent de main en main par souci d’économie. La nuit nous surprit sur la terrasse, à tourner le monde en ridicule, même s’il n’avait pas besoin de nos efforts pour cela. J’avais répondu aux innombrables questions sur ma vie parisienne, sur la célébrissime Panthéon-Sorbonne née de la scission de l’université à Paris, là où se rassemblèrent les professeurs plutôt gauchistes favorables aux thèses de l’historien Roland Mounier suite aux évènements de mai 68. – Pourquoi la littérature moderne, demanda Jordan intrigué, je voyais une mordue de la mythologie dans ton genre étudier le ...
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