1. Médecin dans une prison de femmes (III)


    Datte: 01/10/2017, Catégories: h, jeunes, médical, religion, complexe, vacances, noculotte, photofilm, init, nonéro,

    J’entends la prison qui se prépare au rituel du couvre-feu, je suis seul dans mon bureau. Après une journée épuisante, toute la misère pathologique du monde est passée devant moi, du cancer au sida en passant par l’hépatite et l’addiction aux drogues. Pas de moyens, aucune considération ni de l’administration, ni de mes patientes, je pénètre les premiers cercles de l’enfer sans aucune Béatrice pour me guider. Avais-je d’autres choix ? Je regarde ces murs sales devant moi, la porte métallique avec sa grosse serrure, l’indigence de cet univers, avais-je d’autres choix ? Sans l’intervention de mon père et de ses amis influents au Conseil de l’Ordre, où serais-je aujourd’hui ? Sans doute dans une de ces cellules puantes, au dernier degré dans l’échelle d’une société qui préfère subventionner la misère et cacher sa déliquescence plutôt que d’offrir une vision, un avenir et de l’espoir, avec cette honnêteté et ce sens politique qui ont permis aux grands hommes du XXème siècle, ces géants trop rares, de sortir le monde de la nuit et de la barbarie. L’exercice d’introspection ne me convient pas, chaque fois, je bute sur l’inexplicable, sur ces pulsions qui me dirigent et dont le Docteur C., mon excellent confrère psychiatre, m’a fait découvrir la réalité après la malheureuse affaire de Nice. Cependant, j’appréhende toujours avec difficulté ces dérèglements que je continue à nommer : la bête ; c’est ainsi, lorsque j’étais plus jeune, que je ressentais physiquement cette chaleur qui me ...
    ... brûlait le sternum : comme une bête qui se rampe sous ma peau. Lorsque je repense à ma vie, je crois qu’en réalité et sans que je m’en rende compte, la première fois que la bête s’est réellement manifestée, c’était pendant les grandes vacances, chez ma grand-mère qui habitait une grande propriété en Lozère. Une de ces bâtisses bourgeoises massives, une façade sans fioriture, percée de fenêtres alignées entre lesquelles courait un lierre grimpant. Une maison de famille, qu’Oncles et Tantes paternels se partageaient ouvertement sans considération pour ma pauvre Grand-mère. Cette maison et son parc magnifique étaient l’univers des vacances passées ensemble avec mes cousins et mes cousines. Au fond du parc, dans une minuscule maisonnette, accolée à un appentis de planches et de tôle, vivait le gardien. Il s’agissait en fait d’un vieil homme qui avait été autrefois l’ordonnance de mon Grand-père et qui avait gagné le droit d’y mourir, ayant dignement servi notre famille. Pour nous les enfants, cette cabane toujours soigneusement fermée par un énorme cadenas, était un lieu mystérieux, l’antre de l’ogre. Mes cousins plus âgés nous parlaient de bruits étranges et de mouvements nocturnes bizarres. J’ai même passé de longs instants dans la fraîcheur du soir pour en percer le mystère, ne réussissant qu’à paniquer, terrorisé par les bruits de la nuit et, frigorifié, à rejoindre la sécurité de la grande maison et la chaleur de mon lit bateau. Aussi, lorsqu’un matin, faisant le tour de la ...
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