1. Adèle et Hugo (1)


    Datte: 07/10/2017, Catégories: Divers,

    MAINTENANT Je glisse la main sous sa nuque et redresse sa tête avec toute la douceur dont je suis capable à cet instant ; elle ouvre les yeux et me sourit. Dans la pénombre de la grande pièce, son visage pâle semble plus constellé de taches de rousseur que d’habitude. Ses doigts fins agrippent la manche de mon caban et je murmure un « chut » que je n’entends même pas. Je suis momentanément privé d’ouïe, coupé du monde, coupé de tout sauf de ce contact avec la femme que j’aime. Elle, ma sœur de cœur, mon âme, mon alpha et mon oméga. AVANT Quand je l’ai rencontrée pour la première fois, j’avais seize ans et elle venait d’en avoir douze. Mon père fréquentait sa mère depuis quatre mois et ils envisageaient de passer à l’étape supérieure : vivre ensemble. Invité pour la première fois chez ma belle-mère présomptive, je savais déjà que j’allais me comporter comme l’ado que j’étais : gêné, emprunté et gauche. En plus, j’étais emmerdé d’avoir dû renoncer à retrouver mes potes pour rencontrer cette fille, cette gamine qui n’était rien pour moi. Honnêtement, je n’avais rien contre la mère que j’avais rencontrée quelques fois, une belle blonde dynamique et souriante ; elle rendait mon père heureux, je le voyais bien. La mort soudaine de maman avait failli le briser ; il s’en était remis, pour moi je pense, mais en était resté un peu voûté, comme écrasé par une chape de tristesse. Depuis quatre mois, je l’avais vu se transformer, renaître à la vie, se redresser et sourire enfin. Mon ...
    ... père a donc sonné à la porte de la maison de sa copine qui a ouvert aussitôt et nous a adressé un large sourire avant de s’écarter. — Bienvenu, Hugo. Tu n’es jamais venu ici, mais je tiens à te le dire, mi casa es su casa... — Merci, Maureen. Une Irlandaise qui fait référence à Pulp Fiction, c’est classe... — Et un ado de seize ans qui relève la référence, c’est top. Elle m’a embrassé sur les deux joues avant d’ébouriffer mes cheveux, et j’ai retenu une grimace car j’avais mis du gel pour tenter d’ordonner ma crinière noire frisottante et indomptable. Et puis, comme j’entrai pour la première fois dans cette maison qui allait devenir notre foyer, un troupeau de pachyderme a dévalé l’escalier. À ma stupeur, la source du vacarme n’était qu’une rouquine maigrichonne qui déboula en faisant claquer ses tongs et stoppa net à cinquante centimètres de moi. Ses yeux verts s’écarquillèrent en réalisant que je faisais bien deux têtes de plus qu’elle. — Ben, t’es vachement grand ! Tu es Hugo ? Salut, moi c’est Adèle. La teigne de la maison, ou la petite peste, c’est au choix. Sa mère crut bon de la sermonner gentiment, déclenchant un éclat de rire qui révéla un appareil dentaire ayant tout de l’engin de torture. — Adèle, je t’en prie, tu me vas me faire passer pour une mère indigne ! — Mais non, maman. Mais il faut que mon nouveau brother comprenne où il met les pieds en débarquant ici. (elle se tourna vers moi) Alors, tu as trop mangé de soupe ? Tu as des échasses sous ton jean ? Sans ...
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