1. Au temps de l'amour courtois


    Datte: 17/10/2017, Catégories: fh, historique,

    L’Antiquité a laissé des souvenirs mémorables, mais l’époque valait aussi le détour. Avril 1194. Enguerrand d’Auticourt jette un dernier coup d’œil derrière son épaule. Au pas lent de son cheval, il regarde s’éloigner la motte castrale au sommet de laquelle trône le donjon de bois qui symbolise l’autorité de son père. Celui-ci a décidé de l’envoyer compléter son éducation auprès de son suzerain, comte de Poitou. C’est le cœur lourd qu’il quitte le cocon protecteur dans lequel il a grandi. Mais il ne pouvait faire autrement. Il est le seul garçon de la famille et l’aîné, qui plus est. Ses goûts personnels l’auraient plutôt amené vers l’Église et les études savantes, mais le sentiment du devoir filial l’en a empêché. Il se rêvait clerc, il devra être guerrier et montrer les qualités d’un seigneur. Depuis l’âge de sept ans, il apprend avec patience les rudiments de l’art équestre et de l’escrime. Il a accompagné son père à la chasse, a écouté ses exploits, mais cela n’est pas suffisant. S’il veut devenir chevalier, il doit acquérir les bonnes manières qui feront de lui un noble qui se distinguera du commun. Il ne peut être confondu avec le vilain qui cultive son domaine ou un de ces bons bourgeois âpres au gain. C’est le but de ce voyage. Auprès du comte Eudes et de son épouse, il va compléter son éducation en tant qu’écuyer afin de faire honneur à sa famille et faire face à ses futures responsabilités. Deux serviteurs l’accompagnent, de vieux compagnons de guerre de son père ...
    ... sur qui on peut compter. Fidèles jusqu’à la mort, ils seraient prêts à se faire tailler en pièces pour protéger le jouvenceau. Ils le regardent cependant avec un mélange de respect et de pitié. Pour eux, ce gentil garçon est fait d’un bois trop tendre. Alors qu’il s’est endormi au coin du feu, nos deux compères se rappellent combats et ripailles et comparent leurs exploits accomplis avec toutes les ribaudes qu’ils ont pu croiser. — Te souviens-tu de cette fille dans une taverne, lorsque nous avons accompagné le Baron en Angleterre ? Jamais je n’ai connu bouche aussi accueillante !— Pour sûr, et ses cuisses l’étaient aussi. Dire qu’elle nous a tout donné en une seule fois. Deux pour le prix d’un, jamais je n’ai revu cela. Et cette Saxonne était vraiment appétissante, ça reste un beau souvenir. Il est quand plus plaisant de ne pas avoir à forcer une fille.— En attendant, nous allons devoir mener ce pauvre gosse à bon port. Je le verrai mieux tonsuré et perdu dans un manuscrit que l’épée à la main. Il avait vocation à servir Dieu. Qu’ira-t-il faire sur un champ de bataille ? Il lui faudrait un cœur de fer et c’est un agnelet.— C’est vrai, mais il est vaillant et tenace. Et qui sait s’il ne découvrira pas au château des aspects plus intéressants de la vie ? Les servantes y sont aimables. Il me serait d’ailleurs fort aise d’en culbuter une ou deux avant de m’en repartir.— N’y compte point. Ces donzelles se considèrent comme des grandes dames. Tu y gagnerais seulement à te retrouver ...
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