1. La vérité sur Paul, Sylvie et Annie


    Datte: 24/05/2021, Catégories: fh, Collègues / Travail Oral pénétratio,

    ... à la jeter dans la poubelle. Ou encore mieux, la précipiter dans les chiottes, et pisser dessus avant de tirer la chasse d’eau, et cracher par-dessus. À un quart d’heure du départ, je me décide à l’ouvrir, en cachette, je la prends entre mes mains, qui tremblent, j’époussette l’angle haut droit par le bout d’un ongle – formellement, car il n’y a point de poussière – j’accomplis une petite incision, religieusement, le cœur qui bat. La suite est moins horrible, millimètre par millimètre le côté droit de l’enveloppe est éventré, et je sors le petit papier, une carte de visite, il est écrit au verso :« Ce soir 8 h sur le Pont-Neuf, si tu ne viens pas, je me jette dans la Seine ». J’hésite deux minutes, tout au plus, avant de me décider d’y aller. Il y a du brouillard sur Paris, à la place Saint-Michel, le ciel est chargé mais il ne pleut plus, les cafés et les restaurants sont bondés et, sur les quais de la Seine, les voitures foncent sans vergogne sur la chaussée mouillée. Le Pont-Neuf est vide, désolé, vaporeux, à part quelques bestioles à quatre roues et deux silhouettes qui viennent au loin. Un signe de vie se présente au milieu du pont, dans le petit square qui entoure la statue équestre d’Henri IV. En bas des marches du piédestal, un clochard, vieux, barbe blanche, chapeau melon, savates béantes, manteau éventré, en cachemire à grand carreaux, crasseux, pouilleux, qui sent mauvais à plus de vingt mètres, sans carton ni sébile, il boit du vin vermeil dans une bouteille en ...
    ... plastique, avec à ses pieds un vieux chien, affamé, la peau sur l’os, qui lui lèche les pieds. Malgré moi je me dirige vers lui en mettant ma main dans ma poche, alors il ouvre les yeux et arrête de boire, intrigué de me voir me rapprocher de lui, et il me sourit en ouvrant la bouche sur plusieurs dents manquantes, et d’autres noires, puis il se remet à boire en me poursuivant d’un œil mauvais. Il doit se dire, j’imagine, que je suis un fou, ou un emmerdeur, et d’un geste rapide je sors une pièce – tandis qu’un petit vent souffle sur le pont, s’engouffre dans mon imperméable C&A gris, en fait palpiter les pans comme des voiles – deux euros au toucher, et le vieil homme me regarde avec intérêt, et s’arrête de boire, la bague de la bouteille entre les lèvres, tout comme je m’arrête deux secondes, lui fais un sourire de condescendance, puis je lève le bras et jette la pièce en l’air, elle bondit, puis fléchit, en tourbillonnant. D’une main il tente de l’attraper au vol, mais elle tombe à ses pieds, alors il pose la bouteille, va ramasser la pièce au sol, sous la tête de son chien qui aboie, mais voilà que Paul arrive de la rive droite, en marchant maladroitement, le menton baissé, dans une attitude méditative. Je le suis du regard puis, entendant le clochard qui grogne et son chien qui aboie, tous deux contents de la pièce, je me tiens tout droit, prêt à toute éventualité. Paul arrive vers moi, il porte un costume Cerutti 1881, je suppose, une chemise Yves-Saint-Laurent à petits ...
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