Flux
Datte: 07/07/2021,
Catégories:
fh,
forêt,
Collègues / Travail
portrait,
... profond qui cisaille les jambes sur les fauteuils à roulettes. Ils travaillent dans des boxes, le long de travées, face à des parois opaques. De sorte qu’il n’y a personne en face d’eux à part une plaque neutre. Les superviseurs donnent de la voix. Il y a une forme d’excitation.Une tension sexuelle terrifiante, juge Scott en s’épongeant le front. Malgré sa science de la prise de recul, il n’arrive pas à se sentir détendu. Tout simplement, parce que sa place n’est pas ici. Dans l’ascenseur, remontant vers les étages, il se sent mieux. Desserre légèrement sa cravate neuve. La remarque d’Henry ne lui est pas passée au-dessus de la tête. Il fera attention la prochaine fois. Il avance vite dans le couloir qui mène à son bureau. Moquette épaisse. Il se laisse glisser dans son fauteuil, se tourne vers la large baie vitrée. Depuis le quarantième étage, il observe que l’été rend les armes. Le temps est clair, mais c’est un leurre. Il n’y a plus cette tension brûlante dans l’air. Des flux réguliers entrent et sortent par les grandes portes battantes. Tous ces gens. Avale deux euphorisants, lisse ses cheveux sombres, saisit un de ses portables et compose le numéro de Lauren N. — Oui ?— Ce soir, 19 heures, près de l’Audi, mâchonne-t-il froidement.— Pourquoi tu ne m’appelles pas sur mon poste ? Nous travaillons dans la même tour et je suis deux étages sous toi.— 19 heures, répète-t-il.— J’y serai. Il a besoin de se dépenser. Ses pieds battent nerveusement la mesure sous son bureau, ...
... tandis qu’il étudie des pages de chiffres qui composent les rapports de ses assistants. Tas de branleurs. Mais la journée est encore longue. Ce soir, ce soir, il ira courir dans la forêt quand la nuit tombera. Après Lauren. Après le club. Le club où il croisera ses semblables. Les mêmes prototypes. Il y a du monde dans le restaurant d’entreprise. C’est même surchargé. Les caissières en suent. Scott déteste déjeuner ici. D’abord, parce qu’il a les moyens de manger ailleurs, ensuite parce qu’il n’apprécie guère la compagnie de la grande masse salariale, enfin parce que l’endroit est tout simplement hideux, mélange de restoroute et de cafétéria de supermarché. Quelques plantes vertes quand même, ici et là. Mais aujourd’hui, Art B. n’a pas pu s’empêcher de vouloir réunir son équipe commerciale pour célébrer la prise du contrat japonais. Et comme il est de coutume ces derniers mois, ce genre de célébration ne se fait plus dans de chics restaurants près du fleuve ou des fontaines, mais au sein même de l’entreprise. La réussite visible aux yeux de tous. Et puis, les notes de frais sont moins conséquentes. Comment tripler les bénéfices si la classe dirigeante ne fait elle-même aucun effort ? Art a choisi une grande table ronde. Les discussions sont vivantes. On parle de cibles, de projets, de reportings. Scott opine du chef, renvoie son sourire neutre et séduisant. Il n’est pas là. Pas à ce moment précis. Il a la tête dans la forêt. Malgré les courbatures que deux heures de musculation ...