1. Le coup de la panne


    Datte: 12/08/2021, Catégories: ff, fplusag, grosseins, fgode, jouet, conte, fantastiq,

    La voiture tressauta, le moteur toussa, hoqueta, renâcla et lança un plaintif et ultimepteuf ! suivi par un étourdissant silence. Tout était immobile. Au bout de la route, un gros soleil orangé plongeait paresseusement vers l’horizon. À droite et à gauche de la chaussée, à perte de vue, les hautes frondaisons sombres de la forêt. Isabelle n’imaginait rien de pire qu’une panne en ce lieu inquiétant. C’était fait ! Elle avait déjà envisagé la fin de son tacot hors d’âge, bien sûr. Mais pas maintenant, pas là. Pas après avoir englouti près d’un mois de ses maigres revenus d’étudiante dans une révision complète de la mécanique. — C’est vraiment trop injuste, sanglota-t-elle en frappant rageusement son volant avec les paumes de ses deux mains. Par acquit de conscience elle déverrouilla le capot et sortit de la voiture pour scruter d’un air dubitatif cet imbroglio de tubulures, de fils, de durites et de pièces au fonctionnement desquels elle ne comprenait rien. Autant qu’elle pouvait en juger, chaque pièce était en bonne place. Elle caressa tel boîtier, secoua mollement ce gros tuyau de caoutchouc et s’assura de la ferme liaison de quelques fils électriques entre un truc et un machin. Imaginant que son intervention avait pu avoir quelque effet miraculeux, elle referma le capot, reprit place derrière le volant et tourna la clé avec détermination tout en chatouillant l’accélérateur de la pointe de son escarpin noir. Le démarreur hurla une plainte suraiguë qui terrorisa Isabelle. Elle ...
    ... lâcha subitement son volant et tint un instant les mains en l’air comme si un malfrat l’avait mise en joue. Isabelle eut un rire nerveux. Elle sortit à nouveau de la voiture dont elle fit le tour en inspectant tous les recoins sans rien déceler d’inhabituel. Elle sortit de son sac un paquet de cigarettes et un téléphone portable. Hésitant un instant elle constata l’absence inexorable de réseau et se replia tristement sur la nicotine. Dans son abattement la première bouffée, longue, profonde de fumée de tabac lui apporta un réconfort insolite. Elle prit soudain conscience de la douce fraîcheur que prodiguait la forêt en cette trop chaude soirée d’été et des suaves parfums qu’elle recelait. Rassérénée, Isabelle accueillit sans crainte les pas qui s’approchaient lentement derrière elle avec des bruits de froissement de feuilles mortes et des craquements de brindilles. Elle se retourna sans hâte, au rythme même de ce pas nonchalant. À quelque mètre un jeune garçon approchait. D’une voix aiguë et éraillée, il lui lança : — Alors elle te fait le coup de la panne ? Puis il s’arrêta et ajouta, accompagnant sa parole d’un coup de tête explicite. — Viens-t’en, la mère pourra t’aider. Isabelle lui fit un grand sourire auquel il resta indifférent ayant déjà tourné les talons et reprit sa marche nonchalante. Isabelle abandonna son véhicule en remerciant le sort de lui avoir envoyé ce petit sauveur à la démarche lente. En effet, ses escarpins n’étaient vraiment pas faits pour la randonnée ...
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