1. Recherche infirmière


    Datte: 20/08/2021, Catégories: ff, fbi, Collègues / Travail médical, revede, nopéné, init, nonéro, confession,

    Toutes ces vies qui viennent s’échouer sur les plages horaires de mon temps de travail. Tous ces êtres aux histoires uniques qui nous confient l’instant de leur mort sur un lit d’hôpital. Ces rencontres sans lendemain qui me racontent mon destin, peut-être. Ces morceaux d’éternité quand la seule chose certaine dans ce monde est qu’absolument toute chose a une fin. Cette nuit-là, nous en étions au cinquième décès et il était quatre heures du matin. La pire nuit depuis bien longtemps. Nous venions de faire quatre voyages à la morgue de l’hôpital et les agents nous blaguaient histoire de détendre l’atmosphère et la réchauffer : — Bravo lapneumo ! Et un ! Et deux ! Et trois ! Et quatre ! Record absolu pour l’année 2000 ! Encore un petit effort les filles, on vous garde un casier au frais. Avec vous deux, le troisième millénaire est mal parti pour aller jusqu’au bout ! Choisissez votre numéro ! Etc., etc., etc. Des blagues, un peu connes, souvent servies, mais ils sont tellement gentils qu’on leur pardonne aussi les mains baladeuses pourvu qu’elles ne soient pas libidineuses ou vulgaires. Sinon une paire de claques les remet vite en place et ça, ça !… Ça fait du bien ! Heureusement qu’ils sont là pour casser la lourdeur et la douleur de cette réalité trop pesante que tous, humains, nous voulons fuir en allant danser le soir, en faisant des enfants, en aimant la vie, en oubliant la mort, en remplissant notre feuille d’impôts. Infirmière de nuit dans un service de pneumologie, ...
    ... j’ai appris à vivre avec cette réalité, à la comprendre, à l’accepter. À accepter l’idée que je suis mortelle et que la mort n’est rien, que c’est l’image du vide de notre présence qui nous est insupportable, que ce travail est le rôle que j’ai choisi dans la société ; cela me rend forte d’aider les autres. Mes semblables. Plutôt que la valeur fric, j’investis dans la valeur humaine et je donne de l’humain pour recevoir de la conscience. Et plus j’ai de conscience, plus j’ai de sérénité et de facilité à vivre. Étonnant, non ? L’important surgit de cet instant présent que je suis en train de vivre où chaque détail, chaque événement est une chance formidable à vivre entièrement, le plus possible, authentiquement et jusqu’au bout. Souvent, je me demande combien de ces corps sans vie, sans être, aimeraient encore s’animer et profiter de l’instant de ma pause-café ou du court moment à sept heures du matin où j’embrasserai mes enfants avant d’aller me coucher. Le goût de ma première gorgée de bière cet après-midi à la terrasse d’un bistrot. Je suis en vie et c’est ma plus grosse richesse, ma plus grande fortune que je capitalise avec mes enfants que je fructifie en bourse avec mes amours. Mais cinq la même nuit ! À quatre heures du matin. C’est trop lourdingue. Avec Babou ma collègue, ma sœur, ma complice, on ne se parlait plus. Seuls des gestes quasi automatiques s’accomplissaient dans une communication sans bruit. La mort avait pris le dessus de nos émotions. Il faut dire que la ...
«1234»