1. Recherche infirmière


    Datte: 20/08/2021, Catégories: ff, fbi, Collègues / Travail médical, revede, nopéné, init, nonéro, confession,

    ... défuntée avait 32 ans, et était franchement belle. De la dernière beauté. Que la nuit d’avant, nous plaisantions encore avec elle, pendant les soins. Qu’elle était belle et nue ! Un corps parfait à nous rendre jalouse. Mais quelle mauvaise idée de mourir à 32 ans ! Révolte et tristesse. Dégoût et fatigue. Merde à toi La Vie, c’est pas du jeu, y’a de la triche ! Pourquoi elle ? Et ses enfants alors, tu y as pensé à ces petiots ? Je hurle ces questions dans ma tête tout comme Babou. Tout comme Babou, je ne trouve plus de réponse. Nous sommes KO debout. Un reste de professionnalisme retient nos larmes mais l’atmosphère est pesante, nos gestes sont plombés. Finie la rigolade. 3 h. Constat médical du quatrième décès fait par un toubib vaseux – largué. Paperasserie en règle, Famille prévenue par téléphone « nous avons le regret de vous apprendre le décès de… survenu à… », selon le protocole. —… si je vous dérange à 3 h15 du matin, c’est que j’en ai l’obligation… oui monsieur… Puis une dernière réflexion qui reste in petto, pas besoin d’en rajouter. De toutes les façons, ça ne me regarde pas ce qu’ils pensaient du mort. La routine que chassent d’autres soins Encore tout à l’heure, au troisième décès, nous arrivions encore à rire comme des potaches en habillant le grand-père de 92 ans. Des grosses blagues bien lourdes, à en faire pipi dans la culotte. Une grande partie de rigolade comme rarement. N’allez pas croire que c’est irrespectueux pour le macchab, que nous sommes en pleine ...
    ... faute professionnelle, en plein écart avec la déontologie ; un pied dans la honte et l’autre dans le travail. Pas du tout ! Nous nous libérons ! Je voudrais vous y voir. Le plus souvent possible, vous fuyez cette tâche, pourtant très humaine, de servir une dernière fois celui que pourtant vous regrettez tellement. Vous faites un tour dans le couloir. Alors, s’il vous plaît, laissez-nous rire pour que nous sachions bien de quel côté est la vie et demandez aux pouvoirs publics d’augmenter nos salaires de misère. Nous ne sommes pas des stars de la finance, notre valeur n’est pas cotée à Wall-Street, mais comment toute notre société pourrait-elle fonctionner sans nous, sans le droit aux soins, sans votre droit aux soins ? Je digresse, je digresse. Revenons à 4 h 40 autour du lit 440, service depneumo du CHR. Babou et moi faisons la toilette de la morte. On lave le corps pour chasser les mauvaises petites odeurs, on l’habille avec ses plus jolis vêtements, on ferme les yeux puis la mâchoire avec un truc fait idoine. On pomponne un peu. Ou pas. Nous sommes l’une en face de l’autre, de part et d’autre du lit. Penchées en avant pour mobiliser le corps. Vue obligatoire dans les profondeurs de la blouse de la consœur. Les gestes se sont faits automatiques, l’esprit est ailleurs en train de chercher un peu de joie de vivre comme un noyé se débat pour encore une goulée d’air. Nous n’avons plus beaucoup de ressource pour supporter cette situation. Et la fatigue… Si c’était la rigolade au ...