Rêve d'amour
Datte: 06/12/2017,
Catégories:
hh,
voisins,
campagne,
train,
revede,
Oral
hdanus,
hsodo,
fantastiqu,
inithh,
Gay
L’autorail entra en gare et les deux voitures archaïques se positionnèrent en grinçant le long du quai. Adrien s’y trouvait déjà, comme la demi-douzaine de personnes ensommeillées qui s’infligeaient, chaque jour, un lever avant l’aube et un trajet d’une heure trente jusqu’à la capitale dans cet engin bringuebalant. La plupart arboraient le visage blême et les traits tirés des gens qui dorment peu. Le luxe inappréciable d’habiter un cadre harmonieux, une demeure spacieuse au vert et au calme, valait bien quelques sacrifices ! Telle était leur invariable réponse, destinée à clouer le bec aux sceptiques indiscrets. Adrien était d’accord avec eux : il ne souffrait nullement de ces allers-retours, surtout par les belles journées d’été, comme celle-ci, lorsque la lumière, le soleil et le ciel bleu étaient des deux voyages. Et même en hiver, lorsque, six pénibles mois durant, il lui fallait oublier que le jour existait, les heures passées dans le train étaient, à son sens, un moment de détente. Il les occupait toujours de la même façon, suivant un rituel sacro-saint : tout d’abord, il s’octroyait une petite sieste, histoire de se rafraîchir l’esprit et de rattraper un peu du sommeil qui, quoi qu’il en dît, lui manquait. Cela ne durait guère, un quart d’heure, vingt minutes au maximum, puis il plongeait avec délectation dans un bon livre. C’était son second luxe, après la vie à la campagne, et il le revendiquait comme tel : qui pouvait encore, en ces temps où la rentabilité dévorait ...
... la vie des gens, consacrer à la lecture deux heures ou plus chaque jour ? Qui, d’ailleurs, en éprouvait l’envie ? Pas grand monde… Et pourtant, quel régal ! Enfin, de temps à autre, levant les yeux de son livre, il s’autorisait, l’espace de quelques secondes, à admirer, l’âme ravie, l’un de ses compagnons de voyage, insolemment beau garçon. Ainsi se déroulaient les trajets d’Adrien ; il les aimait, les attendait presque : comment employer quatre-vingt-dix minutes de plus agréable façon ? Adrien était un voyageur heureux. Il monta dans le train et s’installa. À cette heure matinale, les passagers étaient presque tous des habitués, et chacun avait « sa » place. Celle d’Adrien possédait le double avantage d’être isolée dans un coin de la voiture — ce qui, en fait, la dépréciait plutôt aux yeux des autres, qui préféraient nettement les plaisirs des conversations oiseuses à ceux de la littérature — et d’être située de manière idéale pour examiner, aisément mais discrètement, le bel inconnu. C’était un grand gaillard d’une trentaine d’années, dont les boucles d’un noir de jais cascadaient en souplesse jusqu’aux épaules. Son visage, à la peau mate, s’illuminait d’un regard bleu d’acier. Ses narines ouvertes, ses lèvres charnues respiraient la sensualité. Une barbe de la veille, apparemment sauvage mais qu’on devinait soigneusement entretenue, ajoutait à son charme et lui donnait une allure un rien primaire qui affolait Adrien. Ce jour-là, qui promettait d’être superbe, l’homme avait ...