La Croix - Histoires de Sexe

La Croix

... frère à mon père. Elle est arrivée à la fac cette année, avant elle était à Amiens.— Oui, c’est elle, elle est étudiante en philo, c’est comme ça que je la connais.— Je la croise parfois dans les couloirs. En fait nous nous voyions souvent quand nous étions petites puis, quand elle a déménagé, nous nous sommes perdues de vue. L’occasion de lever un coin du voile était trop tentante, aussi j’entrepris d’en savoir un peu plus. — Elle nous intrigue un peu, ta cousine, on dirait qu’elle fuit la compagnie.— Ah oui ? dit-elle distraitement. C’est possible… Pour moi c’est difficile à dire, j’en suis un peu restée à l’époque où nous jouions à la poupée. Adulte, je ne la connais pas beaucoup.— Est-elle très croyante ?— Ah non, ça m’étonnerait !— Ah ? C’est étrange, elle porte une toujours une croix autour du cou, une croix chrétienne assez voyante.— Tiens donc ? Je n’avais jamais remarqué. Ça doit être récent. C’est marrant, je l’imagine mal ainsi… Elle a dû changer pas mal.— Vous n’avez pas eu envie de renouer plus que ça quand vous vous êtes retrouvées à la fac ?— On s’était déjà revues avant ça, aux mariages ou aux communions dans la famille. C’est vrai, maintenant que tu le dis, elle est un peu distante, je me souviens l’avoir invitée une paire de fois, et elle m’a répondu qu’elle n’avait pas le temps. Était-ce une impression, où Lucile semblait-elle un peu se dérober à mes questions ? Peut-être avais-je laissé transpirer un peu trop d’émotion ? Après tout, je n’avais aucune ...

... raison de m’intéresser à sa cousine. — Elle a l’air peut-être de cacher quelque chose… ajouta Lucile, l’air de rien. Je la fixai plus intensément. Cette remarque anodine de Lucile me donnait à réfléchir… Je ne me l’étais jamais formulé ainsi, mais l’attitude d’Anne pouvait être une sorte de prudence, de méfiance, de peur que l’on ne découvre… quoi ? Je décidai sur-le-champ de clore le chapitre « Anne Delacroix » pour pouvoir y repenser seul tout à mon aise. — En tout cas, enchaînai-je en guise de transition, vous ne vous ressemblez pas du tout ! Vous êtes même à l’opposé l’une de l’autre ! Elle éclata de rire, non pas bruyamment en penchant la tête en arrière, comme on voit souvent, mais en rentrant la tête dans les épaules et en me regardant par-dessous. J’adorais découvrir ses petites manies. — Bon, il va être temps pour moi d’y aller, dit-elle soudain en se levant. Graham… j’espère que nous nous reverrons très souvent. Il y eut un petit silence pendant lequel nos deux regards se croisèrent. Il me sembla lire dans ses yeux - étais-je en train de rêver ? - une sorte d’invitation. — Lucile… je… (encore un silence) Je suis vraiment très heureux de t’avoir rencontrée, soufflai-je. Je me sentais perdre pied, rougir. Lucile me sourit et se détourna. Je restai seul, sans bouger, à rassembler mes esprits, un peu assommé, comme après un examen. J’avais la conscience aiguë que cette rencontre allait avoir une suite. Quelques heures plus tard, en fin d’après-midi, j’étais à la bibliothèque ...