Où sont passés les poivrons jaunes ?
Datte: 19/06/2017,
Catégories:
caférestau,
nonéro,
amiamour,
consoler,
Il est plus de onze heures. Les enfants dorment, tout est calme. Le moment d’aller me coucher, sans doute. J’éteins l’ordinateur, le lustre. Les ombres des meubles glissent leurs formes entre la pénombre de la pièce et la faible lumière venant de la salle à manger. Je reste là, debout sur le seuil, les yeux fixés sur mon ombre qui s’allonge jusqu’au tapis, près de la télé. Finalement, je me décide à bouger. *Couïïïc !* Une girafe Sophie sous mon chausson. Je la ramasse distraitement, la pose dans le coffre à jouets, lisse le plaid du canapé, empile les livres de ma fille sur l’étagère. Me repérant facilement dans ce clair-obscur familier. Je traîne, je tourne, je vire. Minuit moins dix. Au loin, sur la table de la salle à manger, la bouteille me fait de l’œil ; un œil complice, un œil brillant et clignotant. Un phare dans la tempête de mon quotidien. Comme attirée par la lumière, je m’en approche tout doucement, rangeant ici et là. L’air de rien. « Tu sais que tu vas craquer. » Oui, bien sûr que je le sais. Mais je fais languir. Mon doigt se promène sur le bois de la table, tandis que j’examine la pièce sombre, critique. Bordel en partie canalisé dans l’aire de jeux des enfants.Check. Lorgnant du côté de la bouteille, je me fais dans le même temps d’amers reproches. Un peu trop tendance à essayer de trouver refuge dans un verre de vin, ces derniers temps. J’hésite, puis finis par sortir sur le balcon. Les portes coulissantes couinent un peu, elles aussi. Je me fige, tendue ...
... dans l’attente d’entendre un pleur. Mais rien. Ils dorment à poings fermés. J’aimerais bien les imiter. Je suis encore en robe légère, à bustier. L’air tiède de cette nuit de mai glisse sur ma peau, telle une enveloppe de soie, caresse mes épaules et mollets nus. Je sors une clope et l’allume, les yeux fixés sur les lumières de la ville, en contrebas. Me sens nostalgique, ce soir. J’expire ma bouffée toxique, pensive. Je vais virer alcoolo… oui ça va pas tarder, avec ce moral collé au goudron. Faut que je me bouge le popotin. Faut que je tire un trait sur ce qui s’est dit, sur ce qu’on a fait.Faut que, jedois… Oui, voilà, tout un tas de devoirs. Après je pourrai rappeler Fabrice, et lui annoncer que je les ai bien faits, ces devoirs. Et mes droits ? Le droit d’être malheureuse, non ? Ça ne passe pas. Je m’en veux d’être sensible, d’être comme ça. « Comme… quoi ? » insisterait Fabrice. Puis devant mon expression penaude, il soupirerait d’un air las, et filerait aux toilettes avec sa tablette, pour jouer au poker tranquille pépère. Merde, il me manque, ce grand con. Qu’est-ce qu’il me manque. Son absence, c’est comme un grand vide dans ma vie. Putain de cliché. Grosse dose de réalité également. Je finis ma clope, réfléchissant. Essayant de ne pas trop écouter mon corps. Les frissons sur ma peau, le cœur qui bat un peu trop vite, le tremblement de mes mains, de ma clope entre mes doigts… * « Tu vois… rien ne sert de faire traîner les choses… » Lesglouglou du liquide, du goulot ...