Au coeur de l'espoir - Histoires de Sexe

Au coeur de l'espoir

... ans d’intervalle. — Pourquoi vous vous faites du mal avec ces photos ?— Je ne peux pas m’en empêcher. Impossible de faire le deuil de cette relation. C’est mon petit enfer bien à moi, que je garde au chaud dans mon imper, pour m’assurer que je ne vais pas l’oublier. À mon tour de vous poser une question : pourquoi vous êtes si gentille avec moi ? Depuis que je vis dehors, jamais personne ne m’a tenu la main comme vous le faites. Avant vous, la seule personne à l’avoir fait, c’était ma femme, lorsque nous nous sommes rencontrés. Vous avez un service à me demander ? Ou bien vous voulez acheter votre place au paradis ?— Ni l’un ni l’autre. Si vous voulez savoir, je ne crois ni en Dieu ni en Diable. J’avais juste envie de parler à quelqu’un. Mais peut-être que je vous dérange ? Vous voulez que je vous laisse tranquille pour regarder vos photos ?— Non, non, restez si vous voulez. Excusez le vieux croûton aigri que je suis devenu. À vivre seul, j’ai fini par perdre les bonnes manières.— On n’a pas chaud ici. Si vous voulez, je vous offre un verre. Je connais un bistrot qui doit être encore ouvert à cette heure, dans le quartier.— Ils ne voudront jamais d’un clochard sale et puant comme moi. Ils vont me chasser à coups de balai.— Pas si je vous accompagne. Je connais le patron.— Alors je vous suis. J’aime bien l’ambiance du petit bar où nous allons. La décoration y est simple, sans chiqué. Loin des touristes et des fêtards, on y trouve une clientèle de noctambules habitués. Nous ...

... trinquons nos demis débordants de mousse. — À votre compagne, à votre amour, pour qu’elle s’en sorte. Comment elle s’appelle ?— Valma. Elle est finlandaise.— Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri, il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs, disait Aragon et chantait Brassens. Au moins, vous savez maintenant que vous l’aimez. Si vous passez ce cap ensemble, ensuite vous pourrez être heureuses ensemble et le rester longtemps. Croyez-moi, car j’ai un peu d’expérience dans ma pauvre vie, l’amour ne peut pas se contenter de sourires et de gaudriole, sinon il ne dure pas. Nous continuons à discuter jusqu’à la fermeture, une heure plus tard. Avant qu’on se sépare, simplement je le prends dans mes bras. Sans porter mes lèvres jusqu’à lui ; mais même cela, je ne l’avais jamais fait avec un homme. Puis je lui souhaite bonne chance. Il m’a réconfortée, rendu le courage de reprendre mon errance dans les rues de Paris. Toujours aussi triste et vagabonde qu’avant, mais avec un peu plus d’espérance. Plus que cinq heures avant de me rendre à Lariboisière pour avoir des nouvelles de Valma. Le ciel se dégage mais il reste d’un rouge orangé, reflet des éclairages surabondants. Je n’ai même plus une seule de mes étoiles adorées, victimes de la pollution lumineuse, pour me tenir compagnie. La surface noire et ridée du fleuve renvoie le reflet troublé de l’éclairage public des voies sur berges, les boîtes aux lumières rouges et vertes au-dessus des toits des taxis, les puissants néons des ...