Madame Stears
Datte: 02/07/2018,
Catégories:
ff,
amour,
Oral
69,
init,
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Je m’appelle Thérésa et je suis une vieille dame ; mais qu’importe mon âge. J’ai trois enfants et cinq petits-enfants qui m’amusent beaucoup : ils s’agacent entre eux, se taquinent sur la politique, parlent de leur travail, leurs études, leurs passions. Ils m’épargnent leurs soucis et c’est bien comme ça, car je ne suis plus d’une grande aide aujourd’hui. Lorsqu’ils se réunissent, chacun y va de son anecdote, de son expérience. Mais en ce lundi de Pâques, je me suis retenue de leur raconter moi aussi mon anecdote. En plein milieu du repas, ma petite fille Ema, de vingt-deux ans, me dit : — Mamie Théa, je suis amoureuse d’une femme… et je vais vivre avec elle. Puis, elle s’arrête, guettant ma réaction. Tout comme mes enfants, un peu stupéfaits par ses paroles. Mon fils Antoine a souvent manqué d’audace, il fusille sa fille du regard comme pour lui dire « Ah ça non, tu n’étais pas obligé de le dire ». Non, elle n’était pas obligée, mais pourquoi devrait-elle se l’interdire. Je ne sais pas quoi lui répondre, mais puisque cette annonce m’est destinée : — Ah, et vous avez trouvé un appartement ? Évidemment, j’aurais pu dire « Je suis heureuse pour toi » ou « Ton amie est la bienvenue à la maison ». Mais, l’angoisse d’Ema la trahit et j’aimerais qu’elle ait le courage de s’affirmer, sans attendre mon approbation. Malgré mes efforts de neutralité, je sens un léger soulagement général. Mais qu’attendaient-ils ? Que je dise « Sors de chez moi immédiatement ! » ? Au fond, je suis ...
... émue et tellement heureuse que ma petite fille soit née en 1995. Mes enfants sont loin d’imaginer que leur mère a été aussi une petite Ema, née à la fin de la guerre. Et si je leur racontais aujourd’hui, seraient-ils aussi bienveillants avec leur mère qu’avec leur nièce ? Comprendraient-ils qu’entre moi et leur père, ça n’a jamais été l’amour-passion ? Est-ce bien utile de leur raconter cette attirance que je n’ai pas su nommer pendant des années ? De leur raconter mon histoire, cette histoire qui date de 1964, mais que je n’ai pas oubliée, tellement ce fut intense. ~ ~~~~ ~~000 ~~~~ ~~~ En 1964, j’ai dix-neuf ans. Mon père est patron-pêcheur dans les Côtes-d’Armor. Il part à la semaine, parfois pendant quinze jours, quand ma mère s’occupe de mes deux sœurs et de la maison. Deux ans plus tôt, je quitte l’école ménagère et suis une de mes amies à Saint-Brieuc pour travailler dans un atelier de couture. Par chance, je suis douée dans ce domaine et mes parents acceptent que je parte avec elle. Au début, je loge dans une chambre proche de l’atelier que je partage avec Gabrielle. J’ai très peu de souvenirs de mes débuts dans ce petit atelier. Je me souviens seulement que j’ai terriblement peur de madame Le Pennec, la patronne. J’arrive toujours vingt minutes avant l’embauche et je repars seulement quand on me le permet. Très vite, Gabrielle se marie et quitte l’atelier pour rejoindre son époux. À dix-neuf ans, madame Le Pennec me fait confiance et j’ai déjà ma propre clientèle au ...