Les ombres de Jeen
Datte: 12/10/2018,
Catégories:
nonéro,
fantastiq,
Jeen retint son souffle. Elle n’aurait su dire avec des mots ce qui était là devant elle, et pourtant, cela existait vraiment, ce n’était pas un tour de son imagination. L’ombre, née des ombres elles-mêmes, semblait tordue et floue – elle avançait et reculait lentement, sans un bruit, sans un frémissement d’air. Perdue entre les coussins et les draps qu’elle agrippait serrés contre elle, Jeen contempla la chose évoluer au pied de son lit, sans qu’un son ne franchisse sa bouche. Et quel son aurait-elle pu émettre ? Un cri ? Pour attendre l’aide de qui ? Qui lui en aurait apporté ? N’avait-elle pas compris que personne – absolument personne – ne voulait l’aider ? Par le passé, elle avait cru de toute la force de sa détresse et de sa jeunesse que les gens n’étaient pas mauvais en eux-mêmes, qu’ils avaient besoin de temps ; oui, seulement un peu de temps pour accepter ce qu’elle voyait. Mais du temps, il en était passé, et Jeen n’avait inspiré aucune compassion. Reçu aucune aide. Aucune consolation. Rien. Jamais. De personne. Rien que du mépris, de la haine. Et de la peur. La jeune fille se raidit quand la chose – ou la créature, peu importait comment elle l’appelait – se déplaça le long du lit. Elle semblait rétrécir, rapetisser jusqu’à n’être qu’une mince ligne sombre, tout en suivant la longueur du matelas ; et quand elle arriva face à Jeen, tapie dans l’ombre immense de l’armoire, elle parut grandir d’un seul coup, prendre des forces, devenir si large que ses contours ...
... s’estompèrent dans l’obscurité alentour. Jeen hésita. À vrai dire, elle n’hésita qu’une fraction de seconde, car l’instant d’après, sa main tremblante se glissait furtivement hors des draps, trouvait le commutateur, l’enclenchait ; une vive lumière, provenant de sa lampe de chevet, baigna la chambre et l’aveugla complètement. Elle cligna plusieurs fois des paupières, s’habituant avec lenteur à la soudaine clarté, puis son regard, une fois net, se braqua sur sa droite, là où la chose s’était dissimulée, pour mieux l’impressionner. Plus rien. Une fois de plus, Jeen se sentit au bord des sanglots. Et toute la tension de ses nerfs et de ses membres se relâcha d’un seul coup, comme si on avait actionné en elle un boutonpower. Son cœur battait comme un forcené. Un sifflement emplissait ses oreilles, et elle essaya de se détendre. Un long apaisement tomba sur elle, l’inondant de son flot de soulagement tandis qu’elle fouillait la chambre vide du regard. Une fois de plus, oui. Une fois de plus, la menace s’était évanouie dans la lumière, l’ombre s’était disséminée un peu partout pour n’être plus que des plaques sombres, immobiles, et… si normales. Elle avait vaincu la silhouette fantomatique qui semblait sortir tout droit d’une folle chimère de son esprit. Mais Jeensavait qu’elle était réelle, qu’elleavait été réelle, aussi réelle que l’oxygène qui gonflait lentement ses poumons à cet instant. Mais maintenant, la noire apparition avait sagement regagné ses ténèbres d’origine. Enfin. Pour un ...