Les ombres de Jeen
Datte: 12/10/2018,
Catégories:
nonéro,
fantastiq,
... le lecteur quand il ouvre la rubrique de « l’homme et les ombres » du magazine ? Stéphane fronça les sourcils, tandis qu’un tic nerveux venait secouer sa lèvre supérieure. – Mais qu’attendez-vous de moi exactement, Madame Granger ? voulut-il savoir. Vous n’avez rien reproché à mes précédents articles, il me semble… – Ça, c’était avant que les ventes ne baissent, et avant les sondages ! s’écria la rédactrice en chef. Personne ne lit vos pages dégoulinantes de bonne volonté, Morel !Personne ! Alors je veux que vous rentriez chez vous, que vous preniez un verre d’alcool bien fort, que vous fassiez votre ménage, ou je ne sais quoi d’autre, et dès lundi matin, je veux un articleintéressant sur mon bureau ! À la première heure s’il vous plaît ! – Mais… c’est bien beau tout ça, fit-il avec irritation. Mais en trois jours, où voulez-vous que je dégotte un bon sujet ? – Vous vous débrouillez mon vieux, vous êtes payépour ça ! lança sa patronne, les yeux flamboyants. Arrêtez de chercher l’authenticité partout ! Je veux du sang, je veux de l’horreur, je veux du frisson ! Je veux que vous le pondiez, cet article transpirant la peur ! Et vous allez le faire, parce que sinon… Elle laissa sa phrase en suspens. La menace n’en fut que plus claire. Avec un détachement absurde, Stéphane se dit qu’un articlepondu ne sentait pas la peur, mais… autre chose. – Sinon, vous me virez, c’est ça ? termina Stéphane, calmement. Vous me demandez de mentir, si j’ai bien compris ? La fureur de madame ...
... Granger sembla légèrement retomber. Elle le regarda entre ses paupières mi-closes. – Je ne veux pas le savoir. Inventez, mentez, bricolez un peu la vérité, faites comme vous le voulez. Mais lundi, je veux un bon article. Authentique… ou non. Et elle lui lança un regard lourd de sous-entendus. Les genoux tremblants, le visage fermé, Stéphane se leva, la regarda un long moment, l’air écœuré, puis enfin, tourna les talons. Elle le suivit des yeux, redevenue la charmante jeune femme qui l’avait accueilli à bras ouverts un mois auparavant. L’entretien était terminé. II. Le portail de fer, peint en vert sapin, était entrouvert. Jeen hésitait encore. Du parc s’élevaient des cris d’enfants, des rires, des bruits de jeux et de bousculades. La jeune fille regarda sa montre : il était bientôt 17h30. C’était le moment où jamais d’entrer. Elle prit une profonde inspiration, fit quelques pas, et poussa le portail d’une main décidée. Les gravillons crissaient sous les semelles de ses chaussures. À sa gauche, un grand kiosque moderne qu’on apercevait entre les arbres aux immenses troncs noueux. À sa droite, une petite allée que bordait un étang à la surface truffée de nénuphars ; également, un bassin un peu à l’écart, surplombé de gros rochers d’où jaillissait une minuscule fontaine. Des enfants y jouaient, armés de bottes en caoutchouc : un petit garçon et une petite fille. Jeen s’arrêta, le regard posé sur eux, puis elle huma l’air frais, s’imprégnant de l’atmosphère douce et tranquille qui ...