1. Les ombres de Jeen


    Datte: 12/10/2018, Catégories: nonéro, fantastiq,

    ... temps. Il fallait qu’elle fasse quelque chose. I. – Je veux du nouveau ! déclara abruptement la rédactrice en chef. Je veux du frais, je veux que vous fassiez quelque chose d’original, de saisissant ! Comment voulez-vous que je vous laisse la moindre petite chance de rester dans cette équipe, si vous n’y mettez pas du vôtre ? De quelle race êtes-vous donc fait, Stéphane ? Celui-ci la regarda fixement. Quand Myriam Granger lui avait donné rendez-vous pour le matin même, Stéphane ne s’était pas méfié. Il occupait actuellement un bon poste, pour une bonne rubrique, et croyait s’acquitter fort honorablement de sa tâche. Jusqu’à aujourd’hui. Car sa patronne ne semblait pas partager son optimisme… – Je vous demande pardon ? releva-t-il avec stupeur. Brune, svelte, armée d’un chignon strict et de grandes lunettes à montures d’acier, une bouche de carnassière, un regard bleu polaire : Myriam Granger incarnait l’antipathie à elle seule. Elle le fusilla du regard, et ses longs doigts à ongles rouge vif tambourinèrent sur le bois poli du bureau. Stéphane se sentit subitement stupide, idiot, bref doté de toutes les tares possibles et imaginables de l’humanité. Il se renfonça dans son fauteuil, submergé par l’écrasante envie de disparaître dans un trou de souris. – De quelle race êtes-vous ? répéta-t-elle avec hargne, ses lèvres presque retroussées dans un rictus. Stéphane déglutit avec peine. Mais la quadragénaire, véritable chienne enragée, laissa tomber son attitude de femme outragée ...
    ... et se pencha brusquement en avant, répondant à sa place : – Je vous demande de quelle race vous êtes, Stéphane Morel, parce qu’apparemment vous n’êtes pas de celle des journalistes ! Puis-je savoir ce qu’est cette merde que vous avez déposée sur mon bureau ce matin ? Myriam hurlait presque. Stéphane, pris de court, se recroquevilla davantage dans le fauteuil. – Mon… mon… mon article, bégaya-t-il faiblement. – Votre article ! rugit Myriam, son visage décomposé par la rage. Vous vous fichez de moi, Morel ! Ohoh. De plus en plus mauvais. Voilà qu’elle se mettait à l’appeler seulement par son nom. Où était passé le tendre usage de son prénom du début de leur collaboration ? se dit Stéphane avec un zeste de nostalgie. – Vous voulez savoir ce que c’est, votre article, Morel ? jeta-t-elle d’une voix glaciale. Vous voulez savoir pourquoi c’est une merde ? Dites OUI, Morel ! Il se racla la gorge, embarrassé. Et pourtant, avec son parcours, il en avait vécu des situations comme celles-ci. Quelque chose lui disait qu’il ne s’y ferait jamais complètement. Curieux comme l’avis de ses supérieurs pouvait différer du sien…radicalement. – O-oui. – C’est un étalage de bons sentiments ! Une page entière de bisounours et de barbapapa, le summum de la naïveté, ça dégouline de partout dans votre article Morel, toutes ces bonnes actions, cette gentillesse, tout comme vous, ça crève par tous vos pores ! Soyez triste ! Soyez pessimiste ! Ouvrez les yeux, bon sang ! Vous croyez que c’est ce qu’attend ...
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