-
Alors une femme
Datte: 13/11/2018, Catégories: nonéro, mélo, portrait,
... une série d’articles. Il s’était décommandé. J’ai donc mangé seul. À ma demande, le garçon a ouvert les panneaux vitrés. Il m’a installé une table juste au bord de la terrasse. Il y avait quelques marches, puis le sable dur du terre-plein et après c’était la mer. On était en fin de saison, la salle était presque déserte. Le vent, presque froid comme j’aime, arrivait du large et m’enveloppait, soulevait la nappe. J’en étais au dessert lorsque l’Aventurier est entré dans la salle. Il tenait par le bras une très jeune femme aux cheveux bruns. Je ne l’avais pas revu depuis presque un an. Ma vie avait pris au cours de l’année écoulée des chemins inattendus et sombres dont je n’ai pas à parler ici : je n’avais plus trouvé de temps de me consacrer à l’amitié. Tout de suite, j’ai été frappé par les changements survenus en l’Aventurier. Il avait blanchi, mais ce n’était pas le plus frappant. Sa bouche avait pris un pli amer que je ne lui connaissais pas. — Je te présente Sandra, a-t-il dit. J’ai dit : « Bonjour Sandra » et j’ai demandé des nouvelles de Paul. — Paul est mort, m’a-t-il dit. Une bourrasque plus violente que les autres s’est engouffrée sous la nappe, bousculant les couverts, renversant la bouteille de vin. Je revoyais ce gamin plein de vie et tellement volontaire, je ne pouvais pas croire qu’il n’était plus. L’Aventurier a parlé vaguement d’un coup de couteau, d’une rencontre qui avait mal tourné. J’ai appris depuis que le clan Peillon avait été dispersé. Les gens des services sociaux lui étaient tombés dessus comme une volée de corbeaux. L’ancêtre, accusé de viol sur mineures, s’était suicidé. — J’ai vendu la maison, déclara l’Aventurier. Je pars.— Où ?— Je ne sais pas. Le monde est vaste. Cette maison est trop lourde de souvenirs pour moi à présent. Et il me reste un rêve à réaliser. Je n’avais pas oublié notre conversation de l’année précédente. — Transmettre ce que vous avez appris ?— Oui.