1. Le vallon


    Datte: 17/11/2018, Catégories: amour, nonéro,

    ... qu’il écrivait. Car enfin n’était-il pas en train d’écrire un poème sur Isolde ? Ne se mettait-il pas à versifier sur une personne qu’à peine une fois il avait vu ? Ainsi, il méditait sur son lyrisme, lyrisme dont il s’interrogeait la véracité. Mais tandis qu’il en était à cette préoccupation qui le troublait fort, une envie encore plus forte lui prit de se retourner. Ce qu’il fit. Et il vit Isolde ! Peut-être lisait-elle par dessus son épaule ? Peut-être venait-elle d’arriver ? Il ne savait mais le fait d’avoir été surpris dans son travail le mit dans une colère folle. — Ah ça ! dit-il, mais c’est un parti pris, Isolde !— Plaît-il ? dit-elle de son air le plus naturel.— Eh bien de me venir surprendre comme vous le faites en ce moment et comme vous le fîtes hier !— Oh Niels, j’arrive à l’instant.— Vous ne me ferez pas accroire cela, Isolde ! Je vous ai vu, vous lisiez mes vers !— C’est-à-dire que je n’en ai pu lire qu’une partie seulement. Oh Niels, permettez que je les lise tout-à-fait… ils sont si beaux !— Isolde, c’est chose impossible.— Pourquoi est-ce impossible, Niels ?— Parce que je ne le veux pas, voilà tout.— Niels, vous êtes fâché !— Hé quoi ! Si je suis fâché, que vous importe ?— Niels, comment vous si aimable hier êtes-vous avec moi si dure aujourd’hui ?— Mais… mais, vous n’aviez pas le droit de me venir surprendre !— Vous ne me disiez pas cela, il y a un jour, car j’avais ce droit que vous me refusez aujourd’hui.— C’était différent. Hier, Je n’écrivais pas. ...
    ... Isolde, bien malgré elle, se mit à rire d’un rire lutin qui mit le feu à la colère de Niels. — Oh, oh, il paraît que l’on se moque ici. Sur mon âme, mademoiselle, il n’y a pas de quoi rire !— Ce n’est pas cela : c’est l’air solennel que vous prenez tout à coup. Cet air, permettez Niels, cet air ne vous convient pas : il n’est pas de vous.— Je prends l’air qui convient à la circonstance. Et sur l’heure, permettez moi aussi, sur l’heure, vos rires m’offensent : il est donc justifié que mon visage prenne les traits de la colère ! Niels avait haussé d’un ton qui interdisait la réplique. Ce changement subit et inattendu arrêta net Isolde dans son hilarité. Du rire, elle passa à l’étonnement; et de l’étonnement, elle devint pâle comme un nuage. Devant cet être qu’elle ne reconnaissait plus, elle tomba dans un pesant silence. Elle ne retrouva qu’une face lointaine et inconnue dans celui qu’elle avait vu la veille : la mélancolie avait cédé à la colère, la douceur à la fermeté. La gaieté disparut du visage de Isolde, sa jovialité habituelle ne rayonnait plus dans sa personne. Niels vit ce changement, et aussitôt un sentiment coupable succéda à sa colère. Le visage d’Isolde était d’une poésie si sublime qu’il comprit, comme si un éclair l’eut traversé, qu’il s’était comporté comme un misérable. Il s’aperçut de son faux pas, de sa stupide colère. Mais il était trop tard. Déjà Isolde avait reculé de deux ou trois pas, déjà l’idée de fuir Niels s’était emparée d’elle. Et quoiqu’elle ne ...
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