1. La part des Anges...


    Datte: 28/11/2018, Catégories: fh, vacances, magasin, Collègues / Travail collection, odeurs, init,

    ... Charlotte, est une fille de la terre qui exerce un métier d’homme dans un monde d’hommes. Son goût, avoue-t-elle en toute modestie, est sûr, grâce à la qualité de son palais qu’elle exerce tous les jours et ses assemblages utilisent sa mémoire olfactive et gustative qui renferme des centaines et des centaines d’odeurs et de goûts. Bref, un vrai numéro. En plus, elle est toujours souriante et enjouée, ce qui ne gâche rien au plaisir de la rencontre. Au bout de ce laps de temps passé à tester, elle à recracher et moi à avaler, des vins et des vins et encore des vins, elle passe au tutoiement : — Tu veux goûter mon dernier chef d’œuvre ? C’est une vendange tardive 1996… J’avoue ne plus savoir si je suis en état de différencier encore un chef d’œuvre d’un vin moyen ou supérieur, mais il me semble surtout difficile de lui résister. Ses yeux pétillent de malice et ses joues sont éternellement creusées par deux fossettes qui vous feraient faire toutes les bêtises du monde… Bref, elle m’entraîne plus loin, au fin fond de la cave : un endroit réservé aux connaisseurs, aux fins palais… À l’entendre seulement en parler, on se délecte d’avance. Elle tire une nouvelle grande pipette de verre, ouvre la bonde, plonge le tube de verre, bouche l’orifice du sommet avec son pouce et avec dextérité, fait couler quelques centilitres de son nectar dans deux verres ad hoc. Puis elle reverse le reste de la pipette dans le foudre, le referme prestement et le pied du verre dans la main droite, ...
    ... coincé entre le pouce et l’index elle entame le premier rite de la dégustation. Elle impulse au verre une légère giration. Le liquide doré tourne dans le fond du verre, remonte légèrement sur les bords et laisse la trace de son sucre sur les flancs. Ensuite, elle monte le bras à hauteur de ses yeux et mire la couleur à la lueur d’une ampoule forte sur laquelle plusieurs araignées ont accroché leurs toiles. — Il a une belle robe jaune à reflets dorés qui tirent sur l’orangé ! Le vin ainsi admiré, elle peut démarrer alors le second rite. Elle porte l’ouverture étroite du verre à son nez et doucement le plonge dedans. Durant quelques secondes, elle reste là, les yeux fermés, humant le vin. Sortant son nez du col du verre, elle prononce, sentencieuse : — Hum ! Nez de noix, de noisette, de froment… de tabac… de cire d’abeille et de… miel… Puis elle redonne deux ou trois nouvelles petites oscillations, porte le verre à ses lèvres. Penche la tête en arrière et avale une gorgée du liquide. Et démarre le troisième et dernier rituel de la dégustation, le plus attendu par les soiffards et le plus ragoûtant pour les délicats. La bouche tirée en avant, les lèvres presque closes, elle aspire - à grands bruits incongrus - de l’air et fait virevolter la gorgée de vin entre ses joues comme si elle mastiquait le liquide avant de tourner la tête et, d’un jet précis, cracher le vin dans un récipient adéquat. Alors, et seulement alors, Charlotte commente son vin, son chef d’œuvre, son bébé… — Une ...
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