Ballerine
Datte: 14/01/2019,
Catégories:
ff,
... dépendait de cette petite phrase. J’ai écouté l’extrait plusieurs fois de suite. Oui, elle avait bien dit : « … mais on sait bien qu’il n’y aura pas de lendemain quand l’une se retrouvera à San Francisco alors que l’autre ira à Madrid. » Il y a quelques semaines à peine, je n’aurais jamais pu penser que je vivrais une telle exaltation à savoir qu’une femme était lesbienne. Je n’avais jamais connu l’amour… et je n’étais pas certaine d’être heureuse de le connaître. Avant Jasmine je me suffisais à moi-même, je vivais de moi-même. Le ciel ou l’enfer de mes jours ne dépendaient pas d’une autre. De toute façon je ne visitais ni l’un ni l’autre, je restais bien ancrée dans la terne réalité terrestre. Lors de la visite avec le photographe, Jasmine avait été correcte, affable, mais je n’ai pas senti le courant subtil qui nous unissait lors de notre premier souper. Peut-être préférait-elle être discrète en présence du photographe. Quand l’article sur elle fut prêt, j’espérais qu’on se verrait, qu’on fêterait ça ensemble. Elle m’a simplement dit de le lui envoyer par courriel, qu’elle ferait les corrections, si nécessaire, avant de me le renvoyer. J’étais dévastée. Je ne reverrais plus Jasmine. Elle s’était servie de moi, sans plus. Je m’en voulais tellement de m’être illusionnée moi-même, d’avoir emprunté moi-même le chemin qui menait à mon néant. Les dieux me punissaient de ma prétention, je n’arrivais pas à la cheville de cette femme. La punition était cruelle. Je promis qu’on ne ...
... m’y reprendrait plus. _________________________ J’ai reçu l’appel téléphonique de Jasmine aujourd’hui. — Bonjour Éliane. Je viens tout juste d’acheter la revue. Tu as fait un merveilleux article sur moi. Je te félicite. Excuse-moi si je n’ai pu te recevoir l’autre jour, je m’en allais à l’extérieur de la ville pour une série de conférences. Il faut fêter ça, Éliane. Tu viens souper samedi soir ?— Oui, bien sûr, avec plaisir.— J’ai hâte de te voir. À bientôt. Je ne sais pas comment réagir à cet appel. J’ai une boule, une énorme boule à l’estomac, une boule de joie enveloppée d’une épaisse couche de ressentiment. Jasmine croit-elle qu’elle peut jouer ainsi au ping-pong avec mon cœur? J’ai bien peur que oui ! Je me rends à ce souper avec la ferme intention de garder un certain contrôle de mes émotions. Je ne veux pas me dissoudre complètement sous le charme de Jasmine, je ne veux pas me laisser phagocyter par elle. Il me demeure tout de même une certaine fierté ! Jasmine est resplendissante. Bien sûr, c’est un soleil ! Mais je résiste, je ne veux pas être uniquement un satellite piégé dans le champ de son attraction. L’atmosphère est chargée de douceur, le repas est parfait, le vin délicieux, mais je tente d’en prendre très modérément : je ne veux pas perdre mes résistances. Vers la fin du repas, Jasmine se lève pour aller chercher le dessert. Elle le pose sur la table, mais avant de se rasseoir elle vient derrière moi, écarte un peu mes cheveux et m’embrasse dans le cou. Je sens ...