Ballerine
Datte: 14/01/2019,
Catégories:
ff,
... avoir le numéro de téléphone de la jeune fille sur laquelle il avait bandé toute la soirée ! Le temps, cet ennemi ! Comme le temps est long, sans fin. Les quelques jours qui me séparaient de ce souper avec Jasmine n’arrivaient pas à passer. Tout se déroulait au ralenti. Et les nuits qui n’en finissaient plus. Pourquoi lorsqu’on espère un événement heureux le temps s’amuse-t-il à nous torturer ? Et quand je serai avec Jasmine, pourquoi filera-t-il sans que je m’en aperçoive ? Le temps est un sadique et je suis à sa merci, totalement. Après ce qui m’avait paru une éternité, toute fébrile et incertaine, j’arrivai enfin à la porte du logement de Jasmine. Est-ce que je serais à la hauteur ? N’allais-je pas l’importuner, lui voler son temps si précieux ? Je pris la résolution de faire ça court… J’aurais aimé tellement le contraire. Quand Jasmine avait ouvert la porte j’avais été éblouie. Comme elle était belle, petite blouse blanche sans soutien-gorge, la pointe de ses seins qui s’affirmait, et une belle jupe longue, ample, toute fleurie. Et la table était mise : bouquet de fleurs, bouteille de vin. J’étais reçue ! Jasmine était chaleureuse, comme si nous étions de vieilles amies. Elle me demanda de mettre mon enregistreur sur la table – elle avait prévu une place à cet effet – et de l’oublier. Nous allions avoir une conversation à bâtons rompus, simplement. Quand je lui fis remarquer la surprise que j’avais d’être aussi bien reçue, elle me dit : — J’aime le plaisir. Je dédie ...
... maintenant ma vie au plaisir. Je veux prendre plaisir de tout. J’ai assez donné dans l’ascèse. Tu sais, pour avoir la carrière que j’ai eue, j’ai dû me priver pendant tant d’années. Une carrière internationale en danse classique, c’est tout à fait comme faire les jeux olympiques année après année. Il faut être totalement dédiée à sa carrière. Il faut surveiller jour après jour ce que l’on mange, ce que l’on boit, surveiller ses heures de sommeil, son temps de récupération lors des décalages horaires notamment. Il faut toujours augmenter son seuil de tolérance à la douleur parce que le corps souffre constamment. À ce niveau-là, la danse est un sport extrême. L’effort physique déployé pendant un spectacle, soir après soir, est immense. On demande au corps des performances inhumaines. Aucun relâchement n’est permis. Et comme aux jeux olympiques, ça pousse fort en arrière pour prendre votre place, des Russes, des Ukrainiennes, des Françaises, des Américaines. Toutes espèrent déceler la faille, la contre-performance pour me ravir ma place. Quand j’ai quitté la danse classique, j’ai complètement changé de modèle de vie. Je ne veux plus d’exigences, de luttes, de performances. Alors pour le plaisir, j’ai du temps à reprendre et je n’ai pas de temps à perdre.— Et qu’est-ce qui te motivait à demeurer ainsi jour après jour au faîte de ta profession ?— Je vais te surprendre. Ce n’était pas personnel. Ma motivation, c’était de représenter le Québec. J’étais ambassadrice du Québec. Je voulais ...