Ballerine
Datte: 14/01/2019,
Catégories:
ff,
... ajouter la danse au palmarès déjà bien fourni du Québec en art au niveau du cinéma, de la musique, de la chanson, de la peinture. Ce n’était pas moi qui étais au faîte, c’était le Québec. Partout au monde je mettais le Québec sur la carte.— Tous ces voyages ! Ça doit être fascinant de voir le monde, toutes ces différentes cultures.— C’est une vie exaltante, c’est vrai, mais l’exaltation se paye toujours à prix fort. Et il faut savoir que ce ne sont pas des voyages de plaisir. On a tellement peu de temps. Imagine qu’on arrive à Moscou ; premièrement, il faut combattre le décalage horaire, il faut s’assurer de nos heures de sommeil. Et puis il y a les répétitions, apprivoiser la nouvelle scène. Ne pas oublier de faire nos exercices, nos échauffements. On peut sortir quelques heures à peine, sans se laisser aller. On ne peut pas manger dans n’importe quel restaurant ; on surveille constamment notre diète. Et il y a entre ça quelques rencontres protocolaires, séances de photographie, interviews. Après quelques jours on fait ses bagages, on s’en retourne parfois à New-York ou Pékin ou Londres, et le grand cirque recommence. C’est exaltant mais tellement épuisant. La qualité première de la ballerine, c’est la résistance, physique et mentale. On sait que la carrière est courte, on sait qu’à la moindre blessure un peu sérieuse notre carrière est finie. À chaque spectacle je me demandais si ce ne serait pas le dernier.— Ça ne doit pas être évident d’avoir une relation amoureuse stable ...
... dans un tel contexte !— La danse est une ascèse très sévère. Il y a des sacrifices à faire. Il faut choisir. En pleine carrière, il est impossible d’être en relation exclusive avec quelqu’un. On le comprend bien vite. Entre les séances d’exercices, les répétions, les tournées, l’apprentissage d’une nouvelle chorégraphie, il n’y a pas de place pour l’amour. Il y a bien les petites amourettes qui se nouent entre nous lors d’un spectacle, mais on sait bien qu’il n’y aura pas de lendemain quand l’une se retrouvera à San Francisco alors que l’autre ira à Madrid. Et puis c’est un milieu plus propice aux crocs-en-jambes qu’aux amours. Souvent, je me trouvais bien seule sur mon socle !— Après ta carrière, tu n’es pas restée dans le monde de la danse classique…— La première partie de ma carrière en danse classique fut marquée du sceau de l’ascèse, de la discipline, de la compétition, du refoulement des désirs, du refus de toute sensualité. Il fallait dompter le corps, l’obliger malgré lui, malgré sa douleur. Il fallait que je sois plus forte que lui. Le corps était comme un enfant geignard que je faisais taire. Il devait obéir en silence. Mais quand j’ai mis fin à cette carrière en danse classique, j’ai décidé de prendre un chemin diamétralement opposé. Je veux maintenant que la danse et le plaisir soient associés. Je veux que la danse exprime le plaisir, la joie de vivre. Les danses africaines, les danses autochtones expriment ceci. Je ne regrette pas ma première carrière mais je ne ...