Origami
Datte: 31/01/2019,
Catégories:
hagé,
ascendant,
mélo,
nostalgie,
portrait,
... gauche de ma liste, dans la colonne des émois fugitifs. Très fugitifs. Juste après lui vient le magicien des orgasmes multiples, le musicien de la volupté, le premier à me faire demander grâce sous la violence du plaisir sans cesse répété. En le mettant tout à droite, je fermerais la porte à des jouissances encore plus accomplies. Si elles existent ? Mon côté fleur bleue me pousse à le mettre dans l’avant-dernière colonne. Un jour le prince viendra, qui prendra place tout à droite. Ou le satyre lubrique. Qu’importe pourvu que j’aie à nouveau l’ivresse. Halte ! Stop ! Je délire. Ce n’est pas ainsi que je les vois, mes amants. Pas ainsi qu’ils me reviennent en mémoire, ni même au fond du ventre. Les souvenirs indélébiles qu’ils ont gravés sous ma peau sont d’une tout autre nature. En vérité, l’idée même de ces scores me répugne, comment mon père a-t-il pu tomber si bas ? S’est-il un jour mis à mépriser ses anciennes maîtresses pour en arriver à les parquer dans des cases impersonnelles, à la manière d’une étude statistique ? — Trophée de chasse ou tarot amoureux ?, lancé-je comme une boutade, après avoir repoussé d’un geste vague les mauvaises pensées qui menaçaient de m’envahir.— Arbre de vie… Allons bon, la kabbale maintenant ! Si je m’attendais à cela. Je savais mon père intéressé par tout ce qui touche à l’ésotérisme, mais de là à ce que cela influence sa vie amoureuse, il y a un pas que je ne l’imaginais pas avoir franchi. Sauf s’il considère ses relations amoureuses ...
... comme des étapes sur le chemin de la connaissance ? Bel hommage à celles dont il perpétuerait ainsi la mémoire. — Trente-six prénoms pour dixséphiroth (1), ça fait beaucoup, non ?— Avec les chemins de traverse, et quelques bégaiements, le compte y est.— Lesséphiroth, c’est la colonne de droite ?— Pas forcément. À droite, ce sont celles avec qui j’ai tout partagé, de l’éveil du désir au hasard d’un regard, d’un geste ou d’une intonation de voix, jusqu’au silence sublime ou terrifiant qui suit l’apaisement des sens.— Sublime ou terrifiant ? Qu’est-ce qui fait la différence ?— L’équilibre de ce que chacun met dans l’échange, sans doute. Et le rythme de la musique intime. Le rythme intime, l’équilibre de l’échange, ça c’est pour le sublime. À l’origine du terrifiant, il y a certainement cette peur viscérale du mec confronté à un abandon trop évident, trop complet. Mais qu’est-ce qui peut bien les déstabiliser à ce point dans le fait qu’une femme puisse avoir simplement envie de baiser, sans fioritures, alors que c’est exactement ce dont ils rêvent la plupart du temps ? Est-ce si difficile à comprendre qu’on puisse avoir envie d’être traitée comme une reine avant, comme une garce pendant, puis comme une précieuse copine juste après ? Quelles funestes conséquences peuvent-ils bien redouter d’une simple aventure ? Quel piège fatal voient-ils dans une offrande intime un peu débridée ? Quelques images remontent du fond de ma mémoire. Des souvenirs de nudité, de béance, de désir ...