1. Le dernier des Grizziera


    Datte: 10/02/2019,

    ... trace après ton départ de Clermont-Ferrand. Sans l’accident, nous ne t’aurions certainement pas retrouvé. Gabriel était interloqué, sa bouche remuait doucement, comme s’il se murmurait à lui-même une secrète litanie. Son regard se voila. Son grand-père se raidit, n’aimait pas cette expression chez son petit-fils. — Dans ce cas, où sont mes parents ?— Ils sont morts il y a longtemps, Gaby. Tu n’avais que dix ans. Ils sont morts dans un accident de bateau en Corse.— Ça n’a aucun sens. Et il remua la tête encore un peu plus. Des éclats lui revenaient. Des fragments d’une autre vie. Mais il ne les tenait pas. Mais il restait devant la porte. Son grand-père se tenait droit, une vague lueur de compassion dans les yeux, quelque chose comme de l’affection. Il passait régulièrement une main peu assurée dans ses cheveux blancs et encore drus, un signe de famille. Son visage lourd et ridé avait figé le temps. Les hommes âgés ressemblent à des animaux en vieillissant, à ces grands singes des forêts lointaines. La poussière qui recouvre la peau grossit le trait. C’est le juste retour des choses. — Gaby, je sais que ça a été un choc pour toi, et pour ta grand-mère aussi. C’était notre fils unique lui aussi. Elle ne s’en est jamais remise, j’ai toujours su qu’elle s’était laissée mourir sans affronter la maladie l’année suivante. Mais il faut continuer, Gaby, ceux d’avant nous ont toujours tenu bon. C’est dans notre sang. Il n’y a pas d’autre descendant que toi. C’est important, tu ...
    ... comprends ? On ne laissera rien à des étrangers, je ne veux pas céder l’hôtel ni les usines, c’est à nous, et ce sera à tes enfants plus tard. Fais-en plusieurs, je te le conseille. C’est si difficile de placer tous ses espoirs en un seul être. Quand tu es né, bon Dieu, quand tu es né, j’ai pleuré, j’ai pleuré toute la nuit tellement j’étais heureux. Plus que ton père, même.— Où est Leane ? murmura froidement Gabriel, sans parvenir à desserrer les mâchoires Louis le regarda longuement et froidement, ressassant des choses du passé. Il se mit à pleuvoir au dehors. Une pluie fine et froide. Une pluie de saison. Il sentit de la colère monter en lui, puis il baissa la tête, la secoua mollement, et avec le plus de conviction qu’il le pouvait, il dit : — Elle est morte dans l’accident. Et Gabriel se laissa choir dans son lit, les larmes aux yeux et un curieux sourire au coin des lèvres. Alors que le jour se levait sur Biarritz, il eut envie de sortir. Ça ne lui sembla ni étonnant ni effrayant. La promenade n’était déjà plus déserte, et les vagues lui semblaient un appel, une forme d’encre profonde et bleue prête à le peindre dans son entier. Il enfila à la hâte un jean et un pull, sans prendre la peine de passer des chaussures. Ne s’en rendit compte qu’une fois franchie la porte d’entrée. Il croisa le regard d’un commerçant, celui qui tenait le café au bas de chez lui. Se rappelait bien de son visage, dix ans qu’il ne l’avait pas vu, mais finalement les gens changent peu. Regardez la photo ...
«12...121314...17»