Le dernier des Grizziera
Datte: 10/02/2019,
... récriminations qui n’en finissait pas, et encore, et encore. Et je t’aime, et bla bla bla. Au bout d’un moment, ça s’était calmé et il avait retrouvé la voix sage, quelque peu – oh ! si légèrement ! – éraflée qu’il aimait tant. Et de nouveaux sentiments avaient recouvert les anciens aussi vite qu’une marée de septembre. — Nous partons, Léane.— Comment ça, nous partons ? Nous partons où ?— Voyager, prendre l’air. Voir des choses.— Il y a la fac.— C’est si important ?— Mes parents ?— Les miens sont morts— Pas les miens.— On sera rentrés bientôt, je te le promets.— Ils vont nous chercher, tous, tes grands parents, ma famille, la tienne tout entière.— Rassure-toi, ils nous retrouveront. On retrouve toujours tout le monde. Au bout d’un moment, il se lassa, reposa les jumelles, referma le coffret de nettoyage, prit l’ascenseur jusqu’à l’étage du dessous. La surface était ici beaucoup plus chargée que dans sa chambre. Colonnes de livres, colonnes de disques. Peintures, photos, lithographies ornaient les murs. C’était une pièce qu’il laissait vieillir. Comme un bon vin. Du bois brut maintenait bibliothèques et rangements. Ici et là, des murs inutiles avaient été transformés en verrières. Les jours de soleil, la matière s’embrasait, réchauffant l’espace. Il passa la main devant le lecteur à fibre optique. La paroi de verre s’écarta dans un silence numérique.Cowboy Junkies, pas de souvenirs particuliers de la nuit dernière. Il le rangea méticuleusement dans sa boite, le nettoyant au ...
... passage à l’aide d’un petit chiffon propre des impuretés sur sa face lisse. C’était en 1991. Une époque qui lui semblait aujourd’hui un moment agréable et violent à la fois. Léane avait pris le train pour le rejoindre. Aujourd’hui encore, son air rentré sur le quai de la gare lui provoquait quelque émoi. L’endroit était presque désert. Comme si les voyageurs avaient déserté ces contrées du centre. Mais qui venait en ces lieux ? Elle avait l’air perdu, se demandant certainement ce qu’elle faisait là, à Clermont-Ferrand, dans l’air frais du matin. Il l’avait regardée un moment, à l’abri d’une de ces vieilles portes vitrées et granuleuses. Il aurait aimé surgir d’un coup, la porter dans ses bras jusqu’à une Bentley décapotable, lui faire visiter la région en trois coups d’accélérateur. Mais elle en savait autant que lui sur cet endroit, c’est-à-dire pas grand-chose. Il n’était pas d’ici. Sa famille, la branche paternelle - la solide -, y avait vécu longtemps auparavant. Depuis, on se faisait un devoir de mettre en terre les corps à peine tièdes des descendants. Sa connaissance de la géographie locale se limitait au cimetière de St-Jean, à la gare de Clermont, à l’auberge des sauges. Il n’avait pas surgi, ne l’avait pas portée dans ses bras, elle était frêle pourtant, mais lui aussi. C’était avant. Assis dans son fauteuil de cuir rouge, il se sentait anxieux. Plusieurs fois, il augmenta le volume deOne hundred years deCure. « Quelle introduction puissante », se disait-il. Et ça ...