1. Jeux de miroirs


    Datte: 13/02/2019, Catégories: sf, fantastiqu, merveilleu, fantastiq, merveille,

    ... avez tiré la même conclusion, n’est-ce pas ? Cinq, six heures à hurler sa peur, précairement suspendu entre mer et ciel sur un bout de corniche moins large qu’un trottoir, cela suffit à expliquer son état. Lorsque je l’ai examiné j’ai tout d’abord espéré que le temps dénouerait ce blocage. Malheureusement, il semble… J’évoque alors un cas assez similaire que j’ai vu traiter, à Bichat, au moyen de l’hypnose. Une femme traumatisée par un accident de chemin de fer. En quelques séances, Charcot était parvenu à lui faire revivre et raconter ces heures terribles et à la délivrer de ses obsessions. Le bon docteur accueille ce récit avec une moue sceptique, me prédit les plus grosses difficultés pour vaincre les réticences de Santos et Lourdès face à une science qui, pour eux comme pour lui, fleure le charlatanisme. — Vous lui ressemblez, me lance-t-il, changeant abruptement de sujet. Je lui demande de me parler de mon père. — Lorsque je pense à lui, j’évoque souvent un souvenir précis. Marie-José était alors âgée de quelques mois. C’était l’été et un énorme frelon tournait autour du berceau. Votre père a levé les mains et, à trois mètres de distance, a foudroyé l’insecte. J’en ai eu la chair de poule. Pour moi il existe un mystère Jacques Roll même si, ce n’est que trop certain, votre père a souvent abusé de la crédulité de ses contemporains. Je lui dis : — Il existe donc un mystère Jacques Roll, un autre mystère dans l’accident survenu à Manuel. Guanahani n’est qu’un puits de ...
    ... mystères, à vous entendre… Il acquiesce. — Et je vais en ajouter un : Sonia. J’ai déjà entendu Marie-José prononcer ce prénom : celui de sa mère. — Une femme très étrange. Jacques Roll l’a présentée, à son arrivée, comme une réfugiée russe. C’était faux. Je connais ce pays, j’en connais un peu la langue et je puis vous assurer que Sonia n’était pas originaire d’un pays de l’Est. Je serais tenté de dire qu’elle venait de la lune… ou de la planète Mars. Jamais je n’ai rencontré une personne ignorant à ce point les choses les plus élémentaires de la vie. Elle n’avait jamais vu une cigarette. En quel endroit du monde ignore-t-on l’usage du tabac ? Je suggère : — Au fond de la forêt amazonienne, peut-être… ?— Je me souviens d’une conversation avec elle. Nous parlions de la guerre. Ses propos, d’une naïveté folle, n’étaient pas ceux d’une malade. Ils trahissaient seulement une étrangère totale, ignorante du monde où nous vivons. Tombée de la lune…— De quoi est-elle morte ?— Est-elle morte ? J’ai toujours pensé qu’elle était tout simplement retournée chez elle, dans cet étrange endroit où Jacques Roll l’avait trouvée. Disparue aussi mystérieusement qu’elle était arrivée à Groix. Jacques possédait un avion, un solide biplan avec lequel il volait souvent jusqu’à Vannes. Sonia avait appris à piloter, elle adorait voler. Un jour, elle est partie pour la côte. Beau temps, pas un souffle de vent. On ne l’a jamais revue, on n’a jamais retrouvé la moindre trace de l’appareil. Volatilisée en ...
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