1. Jeux de miroirs


    Datte: 13/02/2019, Catégories: sf, fantastiqu, merveilleu, fantastiq, merveille,

    ... oublier tout ce que j’ai vu là-bas. Entendu. Tout. Un jour je pourrai me souvenir mais pas maintenant, pas encore. Marie-José intervient à nouveau : — Quand tu dis Bérénice, c’est Sonia ?— Oui, elle était notre mère de ce côté. À ce stade, j’éprouve le besoin de marquer une pause. Je pourrais prendre les propos de Manuel pour du délire, si les questions de Marie-José, l’attitude de Santos et Lourdès ne disaient si éloquemment que des mots de Territoires, d’autre côté (mais autre côté de quoi ?) et Kobolds leur sont familiers. Au nom du ciel, que se passe-t-il dans cette maison ? Marie-José lit tout cela sur mon visage, pose sa main sur la mienne façon : « tu sauras tout ». Elle prend le relais de cet étrange interrogatoire : — Le Kobold se montre menaçant ?— Non. Il se plante devant moi, les mains sur les hanches comme ils font souvent, tu sais. Et il me parle. Il me dit : « est-il grand ? » Je lui demande de qui il veut parler. « Non, non, non, me dit-il en secouant la tête, cela ne marchera pas de la sorte. Reprenons : est-il grand ? Qu’est-ce qui est grand, grand ? Un arbre ? Bien, bien, il a dit : un arbre. Des arbres. Beaucoup d’arbres… » en même temps, il m’a saisi par la taille et m’entraîne avec une force irrésistible dans une sorte de danse, un tournoiement insensé. De plus en plus vite. Gueulant quelque chose comme : « Arbres. Forêts. La Terre est une forêt, une forêt. » J’ai la tête qui tourne, je manque tomber mais lui, avec une énergie incroyable, me porte à ...
    ... bout de bras et continue de tourner, de tourner, tourner… « Des clairières dans la grande forêt et des villages dans les clairières, des villages au pied des arbres, cernés par les arbres, tu les vois, jeune Manuel ? Tu les vois ? » Il me fait tournoyer maintenant avec une telle vitesse que je ne distingue plus rien autour de moi, brume verte de feuillage, je tourne, nausée. Je crois que s’il me lâchait en cet instant, je partirais tout droit jusqu’au bout du monde, comme un obus, parmi les arbres. Je crois avoir mal entendu : — Les arbres, Manuel ? Mais… tu es sur la plage ?— Non… Je suis dans la forêt. Je titube et je tombe assis sur le tapis de feuilles mortes, je vomis et je me sens mieux. Le Kobold devient méchant. Ici dans les Territoires il se sent sûr de lui. Il me donne des gifles en ricanant. « Eh, défends-toi, fils de l’autre. Tu as peur d’un Kobold, longues jambes ? » Il me sort sa… chose, la brandit en criant : « Tu en veux ? Tu en veux ? » Je lui allonge un solide coup de poing qui le rend plus circonspect et il reste à distance maintenant. Il me regarde méchamment et il dit entre ses dents : « Le fils de Jacques. Quand Maître Pieyre en aura fini avec Jacques et occupera Point Zéro, comme on saura prendre soin du fils de l’autre, comme on saura !… » Marie-José réagit, en proie à une vive émotion : — Il a parlé de Point Zéro ? Pieyre veut aller à Point Zéro ?— Votre père saura l’en empêcher, assure Santos. Moi, j’écoute tout cela, attendant que quelqu’un m’explique. ...
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