1. Reflux


    Datte: 22/06/2017, Catégories: nonéro,

    Il lui fallut un peu de temps ; des minutes entières pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité. Quant à l’odeur, elle était infecte. Chaleur + Humidité. Ça bourdonnait. Nuées de mouches grasses et vertes. Au-dessus de lui, à environ un mètre, un mince filet de lumière forçait un interstice irrégulier. Il était allongé. Ses mains allaient et venaient sur un parterre visqueux ; du doigt, il frôlait ce qui semblait être des matières organiques. Ses ongles accrochaient des bouts de plastique, des morceaux de tissu. Mouillés. Ces relents. Il réprima une soudaine nausée, puis décida de se lever. Pas si simple, apparemment. Il s’accrocha aux parois glissantes, échoua / recommença. Ses pieds nus glissaient sur le sol mouvant. Dans le fond, sous lui, d’étranges vibrations ; des choses bougeaient. Grouillaient même. « Merde », grommela-t-il alors que sa main droite heurtait le haut de l’habitacle qui se souleva légèrement, puis retomba. Il poussa à nouveau, la lumière s’invita en un flot blanc et brûlant. Une benne. Qu’est-ce qu’il faisait dans une benne ? Il regarda ses pieds enfoncés dans une couche sombre de détritus. L’odeur aigre soulevée par l’air, ce fut trop, il vomit. Peu. Douloureusement. Puis se redressa et regarda au dehors. Une petite ruelle plongée dans l’ombre d’une tour immense. Ses yeux remontèrent les étages. Vitres réfléchissantes. Soleil épuisé. La poubelle dans laquelle il se trouvait était collée contre un mur. Elle était verte, pour ce que ça pouvait bien lui ...
    ... foutre. Pour revenir à la tour, elle lui était familière sans qu’il parvienne à se rappeler pourquoi. Sombre, couronnée de lettres rouges électriques qui dévoraient l’air. Il y avait une porte au-dessus de laquelle un petit panneau indiquait : Sortie de secours. Maintenant que la lumière avait fait place nette, il pouvait voir des sacs entiers remplis de papiers et de dossiers beiges griffonnés. Il en saisit un : des dates, des noms, des chiffres. Il le jeta puis s’attarda sur sa tenue. Blouse bleue maculée. Nombreuses nuances. Granularités diverses. C’était humide en pas mal d’endroits. Ça le ramenait à quelque chose. Un lieu. Blanc et clos. Une voix calme. Il faudra du temps, Sam. Il faudra du temps. Il souleva doucement le tissu. Rien en dessous. Rien du tout. « À quoi ça rime tout ça ? » pesta-t-il en tentant de passer une jambe par-dessus le rebord. Les forces lui manquaient. Il réessaya plusieurs fois mais sans succès. Reprends-toi. Il y mit plus de cour, se hissa sur ses avant-bras, s’apprêtant à basculer lorsqu’un vacarme assourdissant envahit la ruelle. Un camion-benne, qui lui sembla démesurément large et menaçant, investissait la ruelle. Il paniqua. Bêtement, sans bien savoir pourquoi. Rabaissa le couvercle et se tapit contre les sacs-poubelles. Il pataugeait dans les immondices. Dans son propre vomi. Il aurait volontiers remis ça mais il n’avait plus rien dans le ventre. Il hoqueta et ce fut tout. Dehors, il y eut des rires et du mouvement. Ça secoua méchamment ...
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