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Reflux
Datte: 22/06/2017, Catégories: nonéro,
... avait pas la force. Et la police n’allait sûrement pas tarder à rappliquer. Il se dégagea comme il put, esquiva de peu un coup qui frôla sa tempe et se mit à fuir à toute vitesse. Les vigiles ne se lancèrent pas à sa poursuite, en tournant la tête, il s’aperçut qu’ils lissaient leurs vêtements et se frappaient dans la main l’un de l’autre. Il réprima difficilement l’envie de faire demi-tour et de leur botter le cul. Dans la nuit impossible de la grande ville, il mangea des gâteaux secs qu’il avait trouvés dans une poubelle. Sur le toit d’un immeuble, il les dégusta lentement. Le sommeil l’attrapa par les chevilles. Un repos empli de rêves. Sans calmants. Au matin, il décida qu’il était temps pour lui de partir. Il n’avait plus rien à faire ici. Le trajet du retour lui parut plus long, fastidieux. Il avait hâte d’en finir, hâte de rejoindre cet endroit qui irriguait désormais ses songes et ses espoirs. Il faudrait du temps, nécessairement. Des jours entiers pour que les médicaments évacuent lentement son sang et ses pensées. Mais ce moment viendrait. Là-bas, dans la décharge à ciel ouvert, il serait en sécurité, à l’abri des vagues de ce monde. Le hasard. Il n’y avait pas de hasard. Il devinait dans la chaotique succession de faits qui venaient de s’enchaîner une voie et, pourquoi pas, un destin. À ces enfants, il pourrait apporter beaucoup. N’était-il pas médecin ? Ne l’était-il pas encore et plus qu’avant ? Ils l’accepteraient car il était comme eux une âme perdue qui voulait trouver refuge. Tant de choses restaient à faire. Des idées lui venaient à l’esprit. Le travail ne manquerait pas. « Nous pouvons nous entendre. » Un vent hésitant soufflait de tièdes effluves. L’été mourrait. Dans le lointain, il aperçut des bandes d’oiseaux qui tournaient autour d’un point précis. Il sut qu’il approchait. Et tandis qu’il s’engageait sur la petite route sinueuse qui menait à la décharge, il se sentit bien.