Reflux
Datte: 22/06/2017,
Catégories:
nonéro,
... s’arrêta enfin. — Que fais-tu chez nous ?— Je ne sais pas, je vous jure que je ne sais pas. Je n’en ai foutrement aucune idée. Qu’est-ce qu’on peut bien faire dans une décharge ? Devant l’air refermé de l’enfant, il continua : — Écoutez, je n’ai pas l’intention de rester longtemps. Je voudrais juste un peu d’eau et je vais repartir. Je n’ai rien à vous donner (il se regarda un moment), à part ma blouse. Il serra les lanières qui ne serraient plus grand-chose. Les gamins échangèrent des regards neutres puis celui qui lui parlait et qui semblait être leur chef pointa un doigt en sa direction. — Ça— Quoi ?— Ça, autour de ton cou. Sam pencha la tête, découvrant une croix en or qui pendait à une chaîne. Il n’y avait pas prêté attention jusque-là. — Ça ?— Oui, ça. Ça ne lui évoquait pas grand-chose à vrai dire. Et, de surcroît, il se demandait bien ce que ces gamins pourraient en faire. Il défit l’attache et tendit le collier. — Tu peux passer la nuit chez nous, ensuite tu partiras. Il parlait comme un chef de guerre. D’une manière solennelle. Il y avait de la noblesse chez ce garçon. — Je m’appelle Kevo, ajouta-t-il. Il les suivit. Calqua son pas sur ceux, sautillants, des gamins. Ils semblaient totalement à l’aise. La troupe contourna certaines zones ; en coupa d’autres. Entre eux, ils échangeaient des phrases brèves dont Sam ne comprenait pas le sens, bien que les mots ne lui soient pas étrangers. À bien observer l’endroit, entre deux foulées, à tenter d’y discerner des ...
... limites, Sam remarqua des monticules plus importants, des formes d’abris, des ersatz de cabanes. Quelques caravanes désossées. Un genre d’habitations. Ici et là des écrans explosés, des microprocesseurs à nu, des bureaux délabrés. La foulée s’accéléra. Déjà, il était exténué. La tête lui tournait. Des souvenirs, des images. Il avait eu le goût de l’effort. L’effort, oui, il avait aimé ça. Lumière pure à travers les verrières. Sa tête qui va et qui vient dans l’eau. Souffle régulier, bulles d’oxygène dans le chlore. Écho mouillé des battements des autres nageurs. Piscine olympique. Plus belle qu’une cathédrale. Lignes de fond. Plongeoirs numérotés. Faïence bleutée. Le chef cria des ordres. Les images s’évanouirent. Puis la troupe s’arrêta devant une grande toile de tente kaki dont les battants claquaient l’air tristement. Il entra à la suite de Kevo. À l’intérieur, c’était sombre. Des tapis abîmés masquaient les détritus sur le sol. Il y avait six lits pliants rafistolés en de multiples points. Un réchaud à gaz sur une table bancale. Un baril métallique au centre de la tente. Kevo y plongea une louche de métal. « Bois », dit l’enfant. Et Sam G ne se fit pas prier, il se saisit de l’ustensile et but de longues gorgées. Dégueulasse. Ça révulsait ses papilles mais il buvait. Parfum de métal. Goût d’eau de vaisselle. Mais il avait tellement soif qu’il aurait vidé une bassine d’urine. Il imagina l’orage frapper la décharge, et le baril emprisonner les gouttes de pluie. Kevo posa une main ...