Reflux
Datte: 22/06/2017,
Catégories:
nonéro,
... dans l’habitacle. On le projetait dans l’air, on pouvait dire les choses comme ça. Il roula brutalement sur lui-même et les détritus qui composaient le sol jusque-là l’ensevelirent avec fracas. Une matière molle et amère lui rentra dans la bouche. Il s’écroula, tête la première, sur un tas plus large encore d’immondices. Un vrai océan de merdes, songea-t-il en se frayant un passage dans la masse de matières corrompues. Il y avait un siège à roulettes cassé qui crevait le tapis de détritus. « Doux Jésus, les gens, ils jettent tout et n’importe quoi », songea-t-il en observant du coin de l’oil une seringue dont l’aiguille souillée pointait vers le plafond. Il s’assit sur le fauteuil. N’osait crier ni signaler sa présence par un quelconque moyen. Ça ne lui venait tout simplement pas à l’esprit. La cuve sur laquelle il régnait depuis son trône bancal était bien remplie. La voix calme répétait « Les choses vont se tasser Sam, faites-nous confiance ». Il secoua la tête pour s’en débarrasser mais elle était tenace. Ça s’ébranla, le moteur rugit. Et le sol tressauta sous les roulis du camion. Bientôt, il tenta d’imaginer l’engin filant à pleine vitesse sur une large quatre-voies, le soleil dans le dos, laissant la ville et ses tours dans la fumée non polluante de son pot d’échappement bio. Il n’y eut pas de halte. Pas de chargement soudain. Il en déduisit que sa poubelle devait être la dernière de la tournée. Une chance si on pouvait dire. Ça roulait vite. Mais vers où ? Il ...
... essayait de se rappeler des derniers événements, de ce qui avait bien pu le mener ici. Des derniers jours. Des dernières heures. Mais ça ne venait décidément pas. Il y avait bien des éclats. Des images. La salle blanche et close. La voix enveloppante. Sam. Sam G. « C’est mon nom ? » Il y en avait un autre qui circulait. Ted K. « C’est qui ça, Ted K ? » Il répéta le patronyme. À haute voix. Puis il arrêta lorsqu’il sentit une douloureuse angoisse lui saisir le ventre. Ce nom, il sentait la mort. Et cette blouse bleue, à quoi ça pouvait bien renvoyer ? Un hôpital ? Mais qu’est-ce qu’il avait bien pu faire dans un hôpital ? Il allait bien, non ? C’était brumeux tout ça. D’énervement, il frappa du pied le sol. Frôla de peu l’aiguille. Frémit. Un liquide trouble coulait par larges traînées sur les parois de métal. Comme la salive d’un géant. Pas loin de lui, un sac bougea de façon autonome. Ça gigotait là-dedans. Il replia ses jambes comme il put sur le siège. Vilaine sueur le long des tempes. Températures extrêmes tout de même. Le camion freina dans un bruit démentiel puis manœuvra en marche arrière. « L’enfer. C’est l’enfer. Je suis mort, c’est ça ? » Il bascula sur le sol, son œil à un doigt de l’aiguille. Il s’en saisit le plus délicatement qu’il put et la jeta contre la paroi opposée. Elle rebondit, retomba à côté de lui. « Merde à la fin », grogna-t-il. Le sol pivota, il glissa avec les détritus, le siège, la seringue, le sac rempli de bestioles vers le bas de la cuve. Les portes ...