Reflux
Datte: 22/06/2017,
Catégories:
nonéro,
... s’ouvrirent, la lumière dévora l’espace. Soleil blanc. Avec le reste du convoi, il fut déversé, enseveli sous des kilos de déchets. Puis le camion redémarra dans le même effroyable boucan. Quand il leva la tête vers le ciel crasseux, il se dit « Je m’appelle Sam G, j’ai quarante-huit ans et nous sommes en été ». Au loin, le camion lézardait déjà au gré du sentier sinueux qui l’avait mené jusqu’ici. Une décharge. À ciel ouvert. Gigantesque. Aussi loin que son regard portât, s’étirait un océan de détritus. Des sacs plastiques virevoltaient en tous sens au gré d’un vent brûlant. Une horde de milans noirs, ailes déployées, fondaient ici et là vers des cibles floues. L’odeur, il n’avait tout simplement jamais connu ça. Il ignorait même que ça ait pu exister. Il y eut un écho scintillant. Une cloche. Plusieurs fois de suite, ça carillonna. Il leva la tête, cherchant du regard la provenance, mais ses yeux avaient du mal à s’habituer à la lumière crue. Le sol se troublait sous la chaleur. Rien ne semblait stable. Ses pieds s’enfonçaient dans cet étrange parterre comme dans des sables mouvants. Il avait soif. La ville tout là-bas rayonnait sous ce maudit soleil. Les tours gigantesques semblaient en feu. À nouveau, les cloches retentirent. Ça venait de derrière lui. Du mouvement. Il aperçut une forme puis une autre. Pas très grandes. Qui se faufilaient le soleil dans le dos. Des ombres. Ça allait vite, ça venait vers lui. Des enfants. Ou alors des nains. Non, des enfants. Son ...
... impression se confirma à mesure qu’ils approchaient. Vraiment, ils n’étaient pas vieux. Il en dénombra neuf qui parvinrent bientôt à son niveau. L’entourèrent. À bonne distance. Pas plus de dix ans, peut-être onze pour le plus grand, les joues sales. Tous portaient des vêtements trop amples, vestes militaires, treillis, rangers. L’ensemble était anarchique, chacun avait replié les manches, déchiré les bas des pantalons, double lacé les bottes, ils ressemblaient à des Action men mal montés. Certains portaient des masques à gaz sur le visage, les autres les tenaient à la ceinture. Ils avaient des bâtons sur lesquels des inscriptions avaient été taillées. Ça moulinait. Quelque chose siffla dans l’air. Une pierre vint cogner le sommet de son crâne. Coup mat, bruit de cartilage brisé. Sam tomba au sol. Un autre sifflement. Un projectile le frappa à la nuque. Ce coup-ci, il hurla. Trois des gamins avancèrent jusqu’à lui. Par petits bonds. À peine s’ils touchaient le sol. Le plus grand pointa le bout de son bâton sur le front ensanglanté de Sam qui tenta de le repousser mais le gamin frondeur refit glisser son arme de fortune lentement au même endroit. — Qui es-tu ? Sa voix était grave. Il avait un accent. Est européen peut-être.— Sam G, je m’appelle Sam G. Voilà au moins une question à laquelle il pouvait répondre sans problème. — Qu’est-ce que tu fais ici, chez nous ?— C’est chez vous, ici ? ricana Sam. L’enfant le frappa avec le bâton. Plusieurs fois. Sous les supplications de Sam, il ...