La nouvelle année
Datte: 30/03/2019,
Catégories:
nonéro,
portrait,
... le lendemain. Mathieu et Hervé souhaitèrent une bonne nuit à Jacques et allèrent se coucher. Ce dernier resta seul dans le séjour. Il regarda la pendule. Deux heures du matin. Il alluma la petite lampe près de la cheminée et prit un livre sur la commode. Il ne parvint pas à se concentrer sur sa lecture. Il repensait à leur discussion, à leur jeunesse, à ce que chacun d’eux était devenu. « On devient ce que l’on est, c’est évident », pensa-t-il. Chacun de nous tisse sa toile à partir de son potentiel génétique, comme il le peut. On s’arrange tant bien que mal des nœuds de sa personnalité. Personne ne se connaît jamais vraiment. Alors connaître les autres ?… Mais le combat de l’homme contre lui-même est passionnant et respectable. Que faire d’autre d’ailleurs de sa vie ? Apprendre à se connaître, du mieux possible. « J’aime mes amis… et je suis seul », pensa-t-il. Fabrice pénétra dans la pièce. — Tu n’es pas couché ? demanda-t-il ?— Non, je n’ai pas sommeil. Je réfléchissais… Fabrice sourit. — Comme d’habitude, dit-il. Y a-t-il un moment dans ta vie ou tu n’as pensé à rien ? Y a-t-il un moment, dans ta vie où tu t’es simplement laissé vivre ? Jacques lui rendit son sourire. — Je ne crois pas, non.— Ouais. Moi non plus, je n’ai pas sommeil. On a bu pas mal, ce soir…— Comme au bon vieux temps…— Ouais. En fait, je ne bois plus du tout. Mais ce soir, c’était inévitable.— Oui. Ce soir, c’était inévitable. Ils gardèrent le silence un long moment. Puis Fabrice se lança, brusquement. ...
... — Tu le savais, toi. Tu l’as toujours senti, je le sais. Tu savais que si je déconnais sans arrêt, c’était pour éviter de trop réfléchir. Je suis l’opposé de toi. Je n’aime pas réfléchir. Je vis dans le présent. Je laisse venir les choses et je tente de réagir du mieux que je peux quand un problème se pose. Je n’aime pas anticiper. Ça ne sert à rien. Anticiper, c’est louper le présent. C’est vivre avant ou après, c’est donc ne jamais être là au bon moment. C’est vivre dans la fiction, dans le rêve. Et toi, tu n’as jamais fait que ça ! Tu te projetais sans cesse dans l’avenir. Et ça m’énervait. Mais comme je ne pouvais rien te dire, parce que tu avais toujours réponse à tout, je lançais des vannes…— Oui, je pense que tu as raison, Fab. Réfléchir, anticiper, n’est pas toujours bon. Cependant, parfois, c’est nécessaire. Tu sais Fab, nous étions tous « trop quelque chose ». Mathieu était trop enfermé sur lui-même, Hervé était trop coureur de jupons, toi, tu étais trop à fleur de peau et moi, j’étais trop bavard et c’est vrai, souvent en plein rêve, tentant de me projeter dans l’avenir. Tout le monde est « trop quelque chose », je crois. L’excès nous est commun à tous. C’est une réaction de défense, un paravent derrière lequel on s’abrite en cachant nos craintes, nos angoisses inconscientes. Puis, au fur et à mesure que les années passent, que la vie nous façonne, nous prenons conscience de ces excès et nous tentons de les corriger, autant que faire se peut. Hervé nous a raconté ...