1. Avant hier


    Datte: 17/04/2019, Catégories: nonéro,

    ... j’ai commencé là l’apprentissage de la vie en collectivité, avec tout ce que cela suppose de contraintes et de frustrations. Loin de l’amour et de la tendresse de mes parents, peu pour ne pas dire pas du tout préparé à ce genre de vie, je ne peux pas dire que j’ai été un modèle de sagesse ni d’assiduité au travail. À cette époque, pas de longs week-ends qui m’auraient permis de rentrer chaque semaine dans ma famille. Je restais donc un bon mois dans ce relatif isolement entre deux visites à Paris. Chaque fin de mois en effet, nous rentrions chez nous, pour ceux qui n’habitaient pas trop loin, avec en poche le carnet de notes et d’appréciations à faire signer par les parents. Compte tenu de mon assiduité scolaire, ces passages à la maison n’étaient pas toujours aussi enchanteurs qu’ils auraient dû l’être, il faut bien avouer qu’ils étaient parfois même un peu tendus. À cette situation déjà peu facile s’ajoutaient les tensions dues aux modifications que les uns et les autres devaient apporter à leurs habitudes, afin pour les uns d’accueillir celui qui revenait, et pour l’autre de se couler dans un autre moule disciplinaire et social que celui dans lequel il avait l’habitude de vivre. Comme chaque cellule, qu’elle soit biologique, familiale ou sociale, ma famille évoluait, se modifiait et s’agrandissait à son rythme. Ce qui n’allait pas sans me poser de nombreux problèmes, car j’étais souvent de fait exclu des événements, du plus bénin au plus important. Même si pendant mes ...
    ... périodes d’absence, j’étais tenu au courant par des courriers réguliers, ces événements me prenaient toujours au dépourvu lorsque de retour à la maison, j’étais confronté à leur matérialité. La naissance d’un frère ou d’une sœur fut pour moi des non-événements, n’ayant pas été confronté à la réalité de la chose. Contrairement à beaucoup de mes camarades, je n’ai pas été gardé par une nounou, voisine, grand-mère, débarquée en plein milieu de la nuit, plus ou moins ensommeillée, au moment où ma mère partait pour la maternité. De plus, n’ayant que peu vu ma mère enceinte et n’ayant que très peu eu à subir les effets de ses grossesses, je ne pouvais pas me sentir ni impliqué, ni concerné par la chose. Avec mes autres frères et sœurs, sans dire qu’ils me sont étrangers, il n’y a pas eu cette complicité que j’avais avec ma cadette. De plus, lorsque nous étions tous réunis, ma position d’aîné se transformait très vite en corvée. « Tu comprends, ils sont petits, cède donc sur ceci, ou sur cela » « Tu es l’ainé, tu dois montrer l’exemple » « serre-toi un peu que les petits s’installent comme il faut », etc. Comment ne pas considérer « les petits » comme des empêcheurs de tourner en rond ? Et puis, quand on est grand, on se débrouille tout seul ? Allons-y, débrouillons-nous. Pour frustrante qu’elle fût, cette expérience a forgé mon caractère indépendant. « Débrouillons-nous » devint mon maître mot. Mais ce « débrouillons-nous », pour salutaire qu’il soit dans bien des cas, mérite une ...
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