1. Le remontreur de mémoire


    Datte: 28/06/2019, Catégories: collection, cérébral, revede, Voyeur / Exhib / Nudisme nonéro,

    ... ces photographies ramassées au gré de ses pas restent plus évocatrices que d’autres. Il y a, par exemple, celles qui peuvent évoquer les voyages proches ou lointains, qui montrent des bouts de jardinets de province, de routes de campagnes, de déserts lointains ou de forêts d’émeraudes perdues à tout jamais pour leurs explorateurs. Ces photos, Martial les accumule dans l’ordre de leur apparition sous ses pas. Quel qu’en soit leur format, ses yeux puis son esprit peuvent composer, et recomposent, un paysage extraordinaire, sorte de mosaïque imaginaire, irréelle et fantastique où les champs de blés poussent au milieu d’un désert, desservis par une route cahoteuse qui se termine dans une improbable forêt vierge… Et Martial de s’imaginer marchant sur cette route pâlotte, poussiéreuse et pleine d’ornières, aux contours flous, errant sans but vers cette forêt dans laquelle il pénètre. Il en écarte les lianes et avance, guidé par un trait de lumière qui troue la canopée et lui fait diriger ses pas vers un désert aride aux contours imparfaits en trébuchant sur de gros cailloux noirs… Et il y a aussi des séries d’animaux, figés ou en mouvement, familiers ou sauvages… Matou noir au pelage flou qui le fixe éternellement de deux grandes émeraudes chafouines ; et ce chien devant sa niche, le museau au ras d’un gazon éternellement vert, et qui trousse les babines dans un rictus mi-souriant mi-envieux vers les inaccessibles mollets agaçant sa truffe ; ou encore cette girafe dressant son ...
    ... long cou au-dessus d’une prison de ferrailles, et ces pigeons vénitiens ou parisiens qui roucoulent sur la place Saint-Marc ou au pied du Sacré-Cœur… Martial consacre plusieurs albums à ce bestiaire aux contours souvent douteux, aux couleurs passées qui lui font évoquer ces vieilles photographies sépia que des explorateurs lointains ramenaient au péril de leur vie des contrées inconnues en des temps anciens eux aussi oubliés. Martial aime à se plonger dans ce bestiaire. Pour lui, c’est son arche de Noé moderne, sa SPA où il sauve les amitiés indéfectibles, les amours irrationnelles ou irraisonnées envers ces compagnons à deux ou quatre pattes qu’il a trouvés errants sur un trottoir avant de les récupérer, les amadouer et les adopter. De temps à autre, Martial ose avancer un doigt tremblotant d’émotion vers le glacis de la photo. Par ce geste empreint de douceur et de tendresse, il dispense une nouvelle caresse à cette pelure glacée retenue par le support argentique. C’est sa façon à lui d’aimer ces fidèles et silencieux compagnons. Mais les clichés qui jettent le trouble dans tout son être sont ceux qui représentent des personnages… seuls, en couple ou en groupe, homme ou femmes, bambins ou adolescents. Ce sont les photos préférées de Martial. Il se refuse obstinément à leur donner une hiérarchie et les aligne au gré de ses rencontres. Il ne les assortit pas. Il les pose, les unes à côté des autres, comme elles sortent de sa poche. Méticuleusement, il les aligne et se surprend, ...
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