Le remontreur de mémoire
Datte: 28/06/2019,
Catégories:
collection,
cérébral,
revede,
Voyeur / Exhib / Nudisme
nonéro,
... écriture fine, penchée et appliquée, l’histoire des deux laissés-pour-compte de la société qui s’aiment pour l’éternité, sans cris ni souffrances. Il narre l’histoire de ces deux amants obligés de vivre ensemble, serrés entre les pages d’un album photo qui leur tient lieu de draps. Il se plaît à décrire leur invention, après leur abandon sur le trottoir, donnant les détails de la résurrection et contant comment ils se sont retrouvés là, entre ses mains, dans ses doigts, dans son album. Il couche sur le papier les vicissitudes qu’il leur a concoctées au fil des soirées et des nuits passées à les contempler, l’un après l’autre, jusqu’à ce que ses yeux finissent par confondre les deux clichés, les superposent et les imbriquent l’un dans l’autre, les vouant à tout jamais à cette alliance incongrue. Martial s’excite, s’emporte, s’enflamme et laisse courir son crayon qui étale à la vue de tous l’improbable mariage dont il rêve secrètement, exposant au grand jour une rencontre aléatoire, accouplant l’inaccordable. Former de nouveaux couples, pour le meilleur et pour le pire, lités entre les pages de ses lourds classeurs, est devenu, chez Martial, un impératif absolu qu’il veut maintenant transformer en une réalité prégnante et tangible. Dans sa fièvre inspiratrice et exaltante, Martial s’imagine organisant une vaste exposition de ses trésors collectés avec passion et obstination. Il ...
... se voit décrocher des pages de ses albums pour leur insuffler une nouvelle destinée, les hisser au rang d’œuvre d’art. Ces platitudes oubliées, perdues, déchirées, déchiquetées, roulées rageusement en boule d’oubli, Martial les veut exposer au grand jour aux murs de la ville. Après s’être cassé les reins à force de se pencher pour les recueillir, pour leur éviter d’être piétinés, écrasés par la vie trépidante des hommes et des femmes qui sèment derrière eux les encombrements et les surplus de leurs mémoires, Martial veut, lui, les remettre face à leur destin. Il espère ainsi accomplir son travail de médium entre deux êtres que rien ne prédestinait à se rencontrer. Il rêve de l’échange d’un baiser furtif, réel, face au miroir des âmes oubliées, enfouies au plus profond des plis de la honte ou de la vie. Il rêve, Martial… En attendant, il continue à marcher dans la rue, à traverser Paris, toujours la tête basse. C’est pas qu’il ait honte de quoi que ce soit. C’est pas qu’il soit timide. Non, Martial n’a pas peur non plus de mettre involontairement son pied sur une souillure de chien. Non, Martial scrute, à longueur de promenades, les trottoirs de Paris (et d’ailleurs) pour chercher l’objet de ses convoitises… les photographies jetées, abandonnées, perdues, déchirées, laissées pour compte, et que lui seul est capable de faire revivre, parce qu’il est notre remontreur de mémoire.