Les larmes d'Antigone
Datte: 24/07/2019,
Catégories:
copains,
nonéro,
portrait,
Collègues / Travail
... à personne ?— Eh oui, difficile à croire, hein ! Alors, pour l’entrée au lycée, ils m’ont mise chez les bonnes sœurs en me suppliant : fais un effort, c’est ta dernière chance, après on ne pourra plus rien pour toi.— Vrai, chez les bonnes sœurs ? Elles ont dû te coller à la porte en moins de temps qu’il n’en le faut pour le dire !— Même pas, elles ont compris que j’étais surtout très malheureuse dans ma peau d’ado complexée et elles ont essayé de m’aider. Elles disaient que je devais faire du théâtre. Au début, je ne voulais même pas en entendre parler mais, à force d’obstination, elles sont arrivées à leur but et j’ai fini par intégrer la troupe de l’école. Sur scène, dans la peau d’un personnage, je n’étais plus la même, j’osais me lâcher. J’ai commencé à prendre confiance en moi, à aller vers les autres. Je savais mes textes par cœur, alors que je n’avais jamais réussi à apprendre une poésie. J’étais tellement motivée que, très vite, elles m’ont confié les premiers rôles et l’animation du petit groupe. La première fois que j’ai joué devant mes parents, ma mère en a pleuré. Elle ne pouvait pas croire que c’était moi. De temps en temps, on allait jouer des extraits de pièces du programme de français devant les élèves d’autres lycées. J’aimais bien, c’était sympa, à l’entracte je descendais discuter avec eux dans la salle. Et c’est comme ça qu’un jour, ma route a croisé celle d’Anne-Sophie. Elle était restée seule, au premier rang, les yeux dans le vide à regarder la scène ...
... déserte. Je me suis assise à côté d’elle et on a commencé à parler. Enfin, surtout moi. Elle m’a juste dit qu’elle trouvait mon costume et mon maquillage très beaux. Il y avait dans ses yeux une expression de tristesse et de solitude que je connaissais trop bien. Je devinais son histoire, comme j’ai deviné la tienne à la seconde où tu as mis un pied dans le labo. Je savais que sa place n’était pas là mais qu’elle n’oserait jamais sortir de l‘ombre si on ne l’aidait pas un peu. Après tout ce que j’avais vécu, je ne pouvais pas la laisser repartir comme ça. C‘était à mon tour de tendre la main. Je regardais Anne-Sophie, abasourdi. — Toi ! Avec ta personnalité ! Je ne peux pas t’imaginer en lycéenne timide et triste !— Et pourtant tout ce que raconte Élodie est vrai. À la reprise du spectacle, elle a annoncé qu’elle allait choisir un spectateur pour venir lui donner la réplique.— Vous allez voir, c’est très facile. N’importe qui peut réussir avec le texte sous les yeux. Il suffit de se concentrer.— Tout le monde s’est mis à regarder par terre de peur d’être choisi. Plus personne ne respirait. Quand elle s’est avancée vers moi, j’ai voulu m’enfuir en courant mais il était déjà trop tard. Elle m’avait prise par la main et m’avait fait monter sur scène avec elle.— Tu as osé faire une chose pareille, sans lui demander son accord ?— Bien sûr, sinon elle aurait refusé. On faisait parfois ça quand le groupe était sympa mais là c’était pour mettre un peu de soleil dans la vie d’Anne-So. ...