Les larmes d'Antigone
Datte: 24/07/2019,
Catégories:
copains,
nonéro,
portrait,
Collègues / Travail
... vie. J’y repense très souvent. Tout ce que je suis devenue, je le dois à Élodie qui, ce jour là, m’a soulevée de terre et portée à bras le corps. Une deuxième naissance en sorte. Après, tout est devenu différent. J’ai osé me regarder dans une glace, j’ai osé exister par moi-même et non plus à travers le regard des autres. Et j’ai commencé à accepter mes différences. J’avais toujours eu d’excellents résultats sans travailler mais je n’osais pas le dire. Je racontais que je ne comprenais pas, que je passais beaucoup de temps à faire mes devoirs, j’aurais tellement voulu être comme tout le monde. En cours je ne posais pas de questions, de peur d’attirer l’attention. Des fois, je faisais exprès de me tromper dans les contrôles pour ne pas avoir trop de bonnes notes. Je n’en pouvais plus des réflexions sur la petite fayotte première de la classe avec ses deux ans d’avance, qui n’avait que papa et maman dans sa vie et qui finirait vieille fille. Avant Élodie, je n’avais personne à qui me confier, avec elle tout a changé. Du jour de notre rencontre, on ne s’est plus quittées. Nous nous téléphonions plusieurs fois par jour, on essayait de se voir tous les soirs. Elle m’a tout dit de sa vie, je lui ai raconté tous mes secrets, même les plus douloureux. Elle m’a insufflé le courage d‘assumer. Un jour, je me suis sentie prête à allumer tous ces abrutis qui me pourrissaient la vie depuis des années. En moins d’une semaine, tout le monde me respectait. La prof de math a failli faire un ...
... malaise quand elle a compris qu’en classe de seconde je réussissais sans difficultés les problèmes du bac. Le prof de physique était au bord de la crise de nerf : je ne peux pas répondre à vos questions, c’est du niveau licence, me répétait-il à longueur de temps. Mes parents ont été convoqués, la psychologue de l’établissement s’en est mêlée. Et puis il y a eu les tests et tout le folklore : enfant précoce, haut potentiel, capacités intellectuelles hors normes. Nous, avec Élodie on rigolait bien à les regarder s’agiter, on s’en foutait de tout ça, ce qui comptait s’était notre amitié. D’ailleurs j’avais commencé à m’occuper de ses notes. En un trimestre, celle qui, sortie du théâtre, du dessin et de la musique, était nulle, devint la meilleure. Élodie continua. — Ça a été génial. Anne-So m’expliquait tout, simplement, avec mes mots à moi. Pas de démonstration sans fin, pas de théorie pleine d’équations. Elle avait le don de trouver des exemples qui rendaient les choses intuitives. Avec elle, il suffisait de regarder autour de soi et tout devenait évident. Au début, les bonnes sœurs croyaient que je trichais et elles ne me lâchaient pas du regard pendant les interros, c’était marrant. Quand je suis devenue première en maths et en physique, elles ont cru à un miracle ! Mes parents aussi d’ailleurs. J’avais beau expliquer que c’était l’effet Anne-So, personne n’a voulu me croire. Tant pis pour eux.— Vous n’êtes pas croyables toutes les deux ! Et vous ne vous êtes pas quittées ...