1. Les larmes d'Antigone


    Datte: 24/07/2019, Catégories: copains, nonéro, portrait, Collègues / Travail

    ... dans un atelier de peinture. J’avais beau terriblement en vouloir à ces deux filles, ce que je venais d’apprendre sur elles forçait l’admiration et ma vie d’étudiant sérieux me semblait maintenant bien vide, triste à en pleurer. Moi qui n’avais jamais été reconnu ou admiré, à qui personne ne prêtait attention, j’imaginais Élodie saluant sous les bravos de la foule ou Anne-Sophie subjuguant les jurys par son intelligence et je me sentis très malheureux. Toute la journée, je traînais ma déprime, miné par cette sensation de gâchis, cette impression de passer à côté du bonheur. La joie de vivre d’Élodie me retournait le cœur et, pour un peu, j’aurais presque trouvé Anne-Sophie sympathique. Le soir même, n’y tenant plus, je me rendis à l’atelier de peinture. Ce n’était pas raisonnable mais ce fut plus fort que moi et je ne pus pas résister. Quelque chose m’appelait. Je devais voir, sentir, toucher cette partie de sa vie que je n’imaginais même pas et qui me faisait tant rêver. C’était une boutique d’autrefois, dans une ruelle pavée, avec une devanture en bois écaillé et des vitres recouvertes d’affiches. À l’intérieur, une petite dame s’affairait, rangeant des cartons, déplaçant des chevalets. J’étais juste venu pour voir, à aucun moment je n’avais imaginé y entrer. D’ailleurs, qu’y aurais-je fait, il n’y a pas plus ignorant que moi en peinture. Et pourtant, sans savoir pourquoi, presque sans m’en rendre compte, je poussai la porte, comme attiré par sa présence d’Élodie qui ...
    ... planait sur ces lieux. La petite dame se retourna, ajusta ses lunettes et vint vers moi avec un grand sourire. — Entrez, entrez, je vous attendais. Je voulus lui dire qu’il y avait erreur, que je n’étais pas celui qu’elle croyait, mais elle ne m’en laissa pas le temps. — Mademoiselle Élodie m’a prévenue tout à l’heure que vous passeriez ce soir. Je la regardais, incrédule. — Mais comment pouvez-vous savoir qui je suis, nous ne nous sommes jamais rencontrés.— Vous non, mais moi si ! me répondit-elle avec un sourire malicieux. Et comment Élodie avait elle deviné que je viendrais ici ? Je n’en avais parlé à personne et surtout pas à elle ! Le mystère s’épaississait de seconde en seconde. — Venez avec moi, vous allez comprendre. Elle m’a dit que je pouvais tout vous montrer, que vous étiez quelqu’un de confiance. Tout en parlant, elle m’emmena dans une petite pièce, derrière l’atelier. — C’est là qu’elle laisse ses affaires. Voyons… nous allons commencer par ceci. Mademoiselle Élodie, c’est une touche à tout. Elle sait tout faire mais ce qu’elle préfère, c’est le portrait. Regardez. Elle me donna un carnet que j’ouvris. Quelle ne fut pas ma surprise ! Des pages entières de portraits d’Anne-Sophie, au fusain, au crayon, à l’encre de chine, tous plus magnifiques les uns que les autres. Anne-Sophie souriante, Anne-Sophie rêveuse, Anne-Sophie boudeuse. Il y avait même des portraits pleins de tendresse ou des portraits d’Anne-Sophie pleurant. Je n’aurais jamais cru voir cela un jour ! — Oh, ...
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